Depuis le 1er juillet 2014, de nouvelles dispositions sont rentrées en vigueur dans le cadre de la lutte antitabac au Togo. Ces dispositions concernent spécifiquement les changements survenus par rapport aux emballages des produits de tabac, notamment les cigarettes. Docteur Vinyo Kumako le coordinateur national du programme antitabac revient en détails sur les mesures prises par le gouvernement en vue de la mise en application effective de ses nouvelles dispositions. Lecture…

Bonjour Dr Vinyo Kumako, quelles sont les grandes victoires du programme anti-tabac au Togo ?

Soyons modestes. Ce ne sont pas des victoires. Nous essayons tout simplement de protéger les populations togolaises. Aujourd’hui, nous avons la loi antitabac. En termes de contrôle de l’usage du tabac au Togo, les instruments juridiques sont au complet. Nous avons les lois, les décrets d’application et les arrêtés. Depuis 2012, tout cet arsenal juridique est en place. Maintenant, nous sommes à la phase d’application. Quand vous circulez à Lomé ou dans les autres villes du Togo, il n’y a plus de publicité sur les lieux de vente ou sur les voitures. Aujourd’hui, les industries du tabac ne parrainent plus aucune activité au Togo. C’est la loi qui l’a interdit. De plus dans les lieux de vente, on ne vend plus en détails les bâtons de cigarettes, mais en boite de vingt.

La lutte antitabac ne ressemble-t-elle pas un combat de David contre Goliath ?

Vous savez, c’est le Togo qui a initié le programme antitabac. Et dans ce pays, il y a des dirigeants qui ont le souci de la santé publique.

La lutte antitabac ne doit pas être perçue comme un combat entre David et Goliath.

Autant la France va prendre des dispositions pour protéger sa population, idem quand le Togo prend des mesures pour protéger sa population. C’est vrai que les multinationales du tabac ont beaucoup d’argent mais ce n’est pas pour autant que cet argent doit nuire à la population togolaise. Il y a des dirigeants au Togo qui savent ce qui est bon pour leur population. C’est pour cela qu’ils ont doté les structures de la lutte antitabac d’un cadre juridique et qu’ils veillent à ce que cette loi soit appliquée dans ses moindres détails.

Avec les nouvelles dispositions, à quoi doit-on s’attendre ?

CigarettesThéoriquement, le décret qui a exigé que les emballages des produits soient modifiés a fixé le délai au 21 mars 2013. Mais les industriels du tabac, pour des soucis techniques, ont demandé que la date soit reportée au 1er janvier 2014. Ce que l’État avait concédé. Mais à la dernière minute, ils sont revenus pour nous dire qu’ils ont accusé un retard. Alors nous avons établi, avec leur collaboration, un chronogramme qui commence ce 1er juillet 2014. A partir du 1er septembre 2014, les anciennes boites ne devraient plus être sur le marché.

Du 1er juillet au 1er septembre 2014, il y aura une cohabitation entre les anciennes boites de tabac et les nouvelles. Mais à partir du 1er septembre, les anciennes boites seront considérées comme illicites.

En ce sens, il y a des mesures déjà prises. Le Togo est un pays de lois. Et les différents ministères chargés de faire respecter la loi ont déjà pris les mesures adaptées à cette situation. À partir du 1er septembre, tout emballage qui ne respectera pas ces dispositions, sera sorti du marché.

Et après le 1er septembre… ?

Depuis 2013 nous avons commencé la sensibilisation. Nous avons sensibilisé les forces de l’ordre, les leaders d’opinion, les responsables de la sécurité au Togo les vendeurs et usagers de tabac. Nous avons sillonné tout le pays pour apporter les informations sur ces nouvelles dispositions. Maintenant du 1er juillet au 1er septembre 2014, nous allons rappeler aux différents acteurs les changements survenus. Après quoi, on va appliquer la loi comme il le faut.

Quelle est la configuration de ces nouvelles boites ?

Les emballages, qui sont sur le marché à partir depuis le 1er juillet, ont une configuration comme suit : les avertissements sanitaires occupent 65% des Cigarettes 2faces principales des cigarettes.

Sur la première face principale, il y a des informations sanitaires qui renseignent les utilisateurs sur les méfaits du tabac.

Ces messages, sur cette première face principale, sont en français et en éwé (une langue des langues parlées au Togo). Et sur la seconde face principale, il y a le message en français et en Kabyè (une langue des langues parlées au Togo). L’éwé et le Kabyè étant des langues enseignées dans notre pays. Sur une des premières faces latérales, il est mis ce message « La fumée de cigarettes contient du benzène, une substance cancérigène bien connue. » Ceci est le message inscrit dans les arrêtés, et les industriels le savent. Et sur l’autre face latérale, il est mis l’inscription avec une taille d’au moins 5 millimètres « vente uniquement au Togo. » Ces dispositions protègent nos populations et les industriels eux-mêmes. Elles permettent d’éviter les ventes illicites. En somme les nouvelles dispositions sont des mesures « gagnant-gagnant », parce qu’elles protègent les populations et les intérêts des industries du tabac au même moment. C’est dans ce sens que nous appelons les industries à adopter ces nouvelles dispositions.

Avez-vous vraiment les moyens de contrôle ?

Vous savez, ce n’est pas parce qu’une seule personne ne respecte pas la loi, que la loi est systématiquement violée. Théoriquement on ne doit pas violé les feux tricolores. Ce n’est pas parce qu’un « zémidjan » (conducteur de taxi moto) a violé le feu rouge que la loi n’est pas respectée au Togo. En d’autres termes, un cas isolé ne doit pas être une systématisation. Nous avons des ONG sur le terrain qui veillent au respect de la loi. Nous ne pouvons pas être partout en même temps. Même les forces de l’ordre ne peuvent pas être partout au même moment. S’il n’y avait pas les lois, ce serait encore pire. La loi essaie de normaliser au maximum un certain nombre de conditions.

En termes de perspectives, existe-t-il d’autres projets pour intensifier la lutte contre le tabac ?

Dr Koumako 2C’est essentiellement les sensibilisations. Cette interview entre également dans ce cadre. Il faudrait que les gens soient au parfum des informations et qu’ils soient d’accord avec ce que nous disons. Pour changer les habitudes, ce n’est pas facile. C’est pourquoi, nous répétons les mêmes messages tout le temps pour que les gens puissent modifier leurs comportements. Si 90 % des gens respectent les nouvelles dispositions, c’est-à-dire ne pas vendre les cigarettes en détails et adopter les nouveaux emballages, c’est déjà une victoire. Et avec le temps, nous espérons vivement que les gens rentreront dans les rangs. Quand il y a une nouveauté, c’est progressivement qu’elle s’étend. Vous savez, ce n’est pas parce que la loi existe que tout le monde va la respecter. Pour les récalcitrants, nous allons sévir.

Quel message avez-vous à l’endroit des fumeurs, et même des non-fumeurs ?

Mon premier message que j’ai toujours réitéré sur les ondes est qu’il ne faut jamais commencer à fumer. La cigarette est un piège. Et quand on y entre, c’est difficile d’en sortir. Alors pour ceux qui n’ont jamais fumé, il ne faudrait pas qu’ils essayent. La fumée ne vous apportera que des maladies et vous spoliera de vos moyens. Pour ceux qui sont déjà pris au piège, nous leur demandons de se rapprocher des structures sanitaires, pour qu’on puisse les aider à sortir de ce piège. Pour les industriels, avant qu’ils fassent du business, il faudrait que les gens soient en bonne santé. Nous leur demandons de respecter nos lois, et qu’ils ne tentent pas d’influencer certaines personnes pour que la loi ne soit pas effectivement appliquée. Mais je constate déjà sur le terrain que la loi est appliquée. C’est vrai que tout le monde n’est pas encore dans les rangs. Mais nous espérons que dans un bref délai, ce sera le cas.

 Interview réalisée par Mawulikplimi Affognon

Voltic Togo