Africain d’origine Togolaise, Elom Kossi alias Elom 20ce est un « arctivist ». Il est le chargé de programmes de la structure « Asrafo Records ». En 2012, comme un médecin au chevet de sa mère Afrique, il sort « Analgézik », un médicament musical pour panser les plaies du berceau de l’Humanité. Héritier des grands panafricanistes tels Kwame Nkrumah, Cheikh Anta Diop et Marcus Garvey, il est l’initiateur d’Arctivism, un événement itinérant qui célèbre le continent noir à travers ses grands hommes et femmes. La rédaction d’Africa Rendez-Vous vous amène à la découverte d’un jeune Africain qui dit ce qu’il pense, qui pense ce qu’il dit. Lisez plutôt…

Vous vous décrivez comme « arctivist ». Quel est le sens de ce mot ?

Le sens de ce mot, c’est la définition que j’ai de l’artiste, c’est-à-dire un artiste qui essaie d’être en connexion avec son actualité, avec sa réalité. Un artiste qui ne se limite pas qu’à divertir mais aussi à réveiller les consciences. Donc l’« arctivist », c’est l’artiste qui est activiste. Et je me définis comme un activiste, principalement, du panafricanisme.

Aujourd’hui vous prônez une urgence de l’unité de l’Afrique. Pourquoi cette impérative dans le contexte actuel ?

Elom 20ce_Africa RdvJe suis originaire du Togo, qui est un « petit pays » sur le plan géographique. J’ai compris  c’est le rapport des forces qui régit les relations internationales. Un pays comme le mien, n’a aucune chance de se faire respecter dans le concert des nations.

J’ai lu mes prédécesseurs comme Kwame Nkrumah, Cheikh Anta Diop, Joseph Ki-Zerbo qui avaient déjà réfléchi sur la question. Et ils pensent qu’il n’y a pas de salut pour les Africains sans l’unité.

Au niveau des politiques et des intellectuels, des choses se font. Mais je pense qu’à la base, nous jeunes Africains, nous avons une partition à jouer aussi. L’urgence, c’est par rapport à ce qui se passe en Côte d’Ivoire, en Libye, au Mali et en République Centrafricaine, par exemple. La remilitarisation de l’Afrique à travers l’opération Barkhane des Français, et le plan AFRICOM des USA. Comme le disait Nkrumah, la remilitarisation de l’Afrique sera le point culminant du néo-colonialisme. Il avait prédit des choses qui se passent aujourd’hui. Je pense qu’il y a une dignité africaine à restaurer. Certains États sans l’aide financière de l’Union Européenne ne peuvent pas payer les fonctionnaires ou organiser des élections. À un moment on commence à se poser des questions, quel est notre rôle dans le monde ? Comment voudrons-nous que les autres nous respectent ? Je pense que la solution à beaucoup de problèmes africains est dans le panafricanisme. Nous, jeunes, avons un rôle à jouer. Il y a un grand travail à faire dans ce sens. Certes, ça prendra du temps, raison de plus pour se lancer tôt. Voilà ce sont toutes ces urgences qui nous poussent à agir.

Après la France, la Chine et le Japon, le sommet US-AFRIQUE, quel regard portez-vous sur cette rencontre ?

Moi je pense que c’est un sommet de plus qui n’avantage pas l’Afrique. Les présidents Africains y sont allés une fois de plus en rangs dispersés. Les Africains doivent penser à leurs intérêts communs, aller à ces sommets avec une position commune. Tant qu’on ira à ces sommets pour que chaque chef d’Etat défende les intérêts de son « bout de territoire » , je crois qu’on ne s’en sortira pas.

C’est toujours un rapport de dominants et de dominés ou de valets et chefs.

Elom 20ce sur scène
Elom 20ce sur scène

En somme, ces sommets nous permettent de comprendre que nous sommes toujours des États dominés, et qu’il nous faut travailler pour qu’on puisse nous respecter. je parle de respect et de dignité parce que l’image de l’Africain dans le monde est à restaurer. Les maladies, la mendicité, l’immigration clandestine, la liste est longue.

Arctivism 22 a pris ses quartiers à Togoville, ça semble rappeler des souvenirs… 

Nous sommes allés à Togoville pour une principale raison, la commémoration du pillage et l’incendie du palais royal de Togoville, qui a eu lieu dans la nuit du 08 au 09 août 1914. C’était durant la première guerre mondiale, un régiment français est venu pillé et incendié le palais royal de Togoville.

Pour nous qui essayons de restaurer notre mémoire de notre propre démarche, car c’est l’un des objectifs principaux d’Arctivism, il est important de ne pas s’arrêter aux cours d’histoire de l’école. Avec ce projet, c’est nous qui choisissons les personnes à étudier. Le personnage qui colle le mieux à ce retour à la source, c’est le professeur Joseph Ki-Zerbo qui a longtemps parlé du développement endogène et de la question de l’identité.

Après l’attaque en 1914, il a eu usurpation du trône du roi de Togoville. Et les conséquences sont toujours vivaces dans les esprits ici, 100 ans après. Togoville pour l’histoire, Ki-Zerbo pour le symbole de l’identité. Pour nous, c’était important un retour dans la ville qui a donné son nom au pays le Togo. Comme pour chaque édition, vous pourriez aussi télécharger gratuitement Asrafozine, le magazine des éditions d’Arctivism.

Un message pour les jeunes Africains du continent et de la diaspora ?

Je pense que nous sommes la force vive. Il faut que les jeunes africains commencent à croire en eux-mêmes. Nous avons du potentiel qu’on pourrait mieux exploiter. Jospeh Ki-Zerbo disait que le coton vendu est un coton du type de pacte colonial, c’est-

Elom 20ce sur scène
Elom 20ce sur scène

à-dire 50 années après les indépendances, les liens de l’asservissement demeurent.

On vend du coton brut qui nous revient sous formes de tricots et habits. Vendons des produits à valeur ajoutée, des produits qui portent un message, voilà le défi de notre génération.

Mon plus grand souhait, c’est qu’il ait plus d’échanges entre Africains. Il ne faut pas qu’on attende les sommets ou des rencontres organisées par le gouvernement ou autre organismes, pour nous réunir et échanger. Au fonds les Africains ne se connaissent pas. Combien de fois, un Togolais peut s’asseoir avec un Ivoirien, un Kenyan, un Sud Africain pour réfléchir sur l’Afrique. Que savons-nous des autres Ethnies qui composent nos Etats? Voilà nos challenges! Faisons fît de ces frontières artificielles et allons vers les autres. Aller vers les autres, c’est poser un pas essentiel vers l’unité Africaine. L’essentiel, c’est la création d’un lien humain et chaleureux entre les jeunes africains. C’est bien parler de panafricanisme sur internet etc, on apprend beaucoup de choses avec des panafricanistes comme  Jean-Paul Pougala, Charles Coovi Gomez et autrres. Mais le contact physique doit pouvoir s’organiser de manière périodique entre Africains.

Il est très important que les jeunes et vieux se retrouvent  périodiquement pour échanger et réfléchir sur le devenir du Berceau de l’Humanité et de la Civilisation.

Interview réalisée par Mawulikplimi Affognon

Voltic Togo