Jean-Pierre Fabre, Chef de file de l'opposition_ Mai 2015

A la veille de la présidentielle de 2010, Gilchrist Olympio, alors « opposant historique », trébuche dans les escaliers. Il lui fallait un remplaçant pour « sauver » la participation du parti à la présidentielle. Dans la « douleur », le choix est porté sur son bras droit, Jean-Pierre Fabre, Secrétaire général  du parti. Il n’aura l’onction de « Fo Gil » qu’à quelques heures de la fin de la campagne électorale.  Bon gré, mal gré, il s’est efforcé à s’imposer sur la scène politique nationale.

L’élection du 04 Mars 2010 qui a vu Faure Gnassingbé briguer son second mandat, est considérée par Jean-Pierre Fabre comme une usurpation. Il n’a cessé de revendiquer « sa victoire » dans les rues de Lomé avec militants et sympathisants. Cinq (5) années durant, les samedis étaient le moment idéal pour une marche de protestation. Au prime abord  réprimées à coups de grenades lacrymogènes, ces manifestations vont finir par perdre de leur quintessence dès que le gouvernement a décidé de ne plus faire sortir la soldatesque.

DernierDeux mois après la réélection de Faure Gnassingbé, le président de l’UFC Gilchrist Olympio signa un accord dit « historique » avec le RPT qui scella la division au sein du parti. Jean-Pierre et ses amis évincés, créent en Octobre 2011 l’Alliance nationale pour le changement (ANC). Il engage ainsi une lutte acharnée à la conquête du pouvoir. Devenu le chef de file de l’opposition à l’issue des législatives de 2013, l’ancien secrétaire général de l’UFC, s’est toujours vu président de la république. « Alternance », c’est le  maître mot de Jean-Pierre Fabre ces 5 dernières années.

Il sera tout comme quelques autres, « chassés » de l’Assemblée nationale pour avoir signé un engagement avec l’UFC. Ils ne seront rétablis dans leur droit qu’après des tractations, protestations et recours auprès de la Cour de la CEDEAO. Mais jamais ils ne retrouveront leurs sièges parlementaires.

L’ambition de celui que ses partisans appellent affectueusement « président », est de conduire le peuple togolais vers l’alternance politique. Comme beaucoup d’observateurs le soulignent, l’opposition togolaise ne peut accéder au pouvoir dans la division. En avril 2012, le Collectif sauvons le Togo (CST) est né, et l’ANC de Fabre devient le poumon de cette coalition qui regroupe aussi bien des partis politiques que des Organisations de la société civile (OSC). A travers diverses manifestations l’homme a peaufiné sa capacité de mobilisation du peuple contre le régime. Mais ses compagnons de lutte décrient un homme arrogant et imbu de lui-même qui estime être le  « chemin du salut pour le peuple togolais ». Le CST annonce les derniers tours de Jericho pour faire tomber le pouvoir « RPT-UNIR ».

Fabre 2Dans la foulée, en janvier 2013, des incendies de grande ampleur ont ravagé le grand marché de Kara et le bâtiment central de celui de Lomé. Une vingtaine de personnalités de l’opposition dont Jean-Pierre Fabre, ont été «  rapidement » inculpées dans cette affaire qui traîne toujours au tribunal, malgré les incessantes demandes de procès afin de punir les auteurs ainsi que leurs commanditaires.

Arborant son manteau de chef de file de l’opposition, en février 2014, Jean-Pierre Fabre sollicite une audience auprès de Faure Gnassingbé, celui qu’il refusait d’appeler président. L’audience lui sera accordée le 05 Mars. A l’ode des discussions, les élections locales, les réformes et l’affaire d’incendie des marchés. Les deux « présidents » peuvent désormais s’envoyer des correspondances. Faure, le chef de l’Etat « légal » et Fabre, le « président légitime », président de la plage selon les détracteurs.

Contre toute attente le 30 Juin, les députés du parti au pouvoir UNIR, rejettent le projet de loi portant modification de la constitution. Les réformes ont prévu entre autres la limitation du mandat présidentiel et le mode de scrutin à deux tours. Pour multiplier les chances de l’alternance, les partis de l’opposition se retrouvent en conclave entre août et septembre 2014. Des pourparlers qui n’accoucheront que d’une souris puisqu’entre temps deux partis notamment le CAR et l’ADDI se sont retirés car estiment-ils certains politiciens notamment Jean-Pierre Fabre veulent « mettre la charrue devant les bœufs » c’est-à-dire, choisir le candidat unique avant d’obtenir les réformes.

Fabre 3Mais en Octobre, 10 formations politiques choisissent Jean-Pierre Fabre comme leur candidat sous la bannière de Combat pour l’Alternance Politique en 2015 (CAP 2015). Une aubaine pour le « président de la plage » de prendre sa revanche sur Faure Gnassingbé. Mais en cours de route, 5 partis se sont désolidarisés de cette candidature. Finalement c’est seulement au nom de  la CDPA, de l’ANC, de Santé du peuple, de l’UDS Togo et du PSR que Jean-Pierre Fabre sera candidat.

Bien que la bataille pour les réformes ne soit pas gagnée, Fabre, le candidat de CAP 2015 croit en son rêve. Le 28 avril 2015, Faure est encore donné vainqueur. Fabre ne s’avoue pas vaincu, il sera proclamé 3 jours plus tard par Francis Pedro Amuzun, le vice président de la CENI, président élu avec 52, 20% des voix, sur la base de quelques circonscriptions.

Mais quel réel bilan de l’homme qui prétend au fauteuil? Des rencontres, discussions de couloirs à l’étranger  oui, mais au finish on retient que 5 ans de marche de protestation n’ont pas fait bouger le pouvoir Gnassingbé. Le « fils du père » s’est réinstallé, avec l’onction de la Cour Constitutionnelle, le 03 Mai 2015.  Fabre s’y oppose et « s’auto-proclame » président.

Le scenario, « élection – marches de protestation – dialogues de sourd – élection » va-t-il se répéter ? Wait and See.

Voltic Togo