Esther Lawson Aziable, directrice MANATEX

La vente de pagnes au Togo est l’une des activités commerciales phares qui ont fait porter loin le nom du pays. Les « Nana Benz », ces grandes dames revendeuses de pagnes Vlisco  communément appelés « Wax hollandais » ont fait faire de ce rectangle de lopin de terres, la capitale africaine de pagnes. Et ceci en partie grâce à une famille, celle qui porte les établissements « Manatex », au cœur du grand marché de Lomé.

Nombreux sont ceux qui y passent souvent sans peut-être s’apercevoir de cette boutique Manatex, en face du bâtiment central du grand marché de Lomé. Et pourtant, elle est regorge une histoire, toute une histoire de vente de pagnes au Togo. Nous nous décidons de faire le pas supplémentaire et d’y entrer. Vaste boutique ou sont exposés de multitudes pagnes bien colorés dégageant une belle harmonie, une vie. Au comptoir, cette dame, grande de taille, la cinquantaine visiblement, avec quelques traits de cheveux blancs sur la tête, nous accueille.

Nous avons très vite compris que c’est la patronne des lieux, elle ne passe pas inaperçue, la ressemblance entre elle et sa mère est forte. Elle n’est autre qu’Esther Lawson Aziable, directrice de la boutique. Après les salutations et présentations, elle nous tire une chaise et sans contrainte, nous raconte l’histoire, leur histoire de pagne.

« C’est ce que j’ai appris étant toute petite aux côtés de ma grand-mère qui me transmettait le savoir-faire. Je peux en déduire que c’est une affaire de génération chez nous, on l’a peut-être dans le sang »

Respirer le pagne dès le bas-âge

Dans la culture africaine, il y a des activités commerciales qui sont considérées comme un don et qui se transmettent de génération en générations sans gros efforts. Cela semble bien être le cas avec dame Esther qui aujourd’hui, est de la quatrième génération Manatex qui perpétue la tradition de vente de pagne Vlisco. « C’est ce que j’ai appris étant toute petite aux côtés de ma grand-mère qui me transmettait le savoir-faire. Je peux en déduire que c’est une affaire de génération chez nous, on l’a peut-être dans le sang », raconte-elle. Mais cette transmission n’a pas été comme des cours magistraux, tout a commencé, dès le bas-âge, à 10 ans où elle accompagnait sa mémé dans toutes ses activités commerciales qui ne se résumaient qu’à la vente de pagnes Vlisco. Et à l’époque où il n’y avait pas de dépôt en ville, la ville étant elle- même restreinte, tout se passait à la maison.

A son retour à la maison avec des ballots de pagnes, comme une bonne « mère », elle expliquait les motifs, les différences qu’il y avait, leur importance, bref tout ce qu’il fallait savoir sur les pagnes en vrai connaisseur. Etait-ce par souci de les emballer dans le commerce plus tard avec une forme de travail psychologique ? Dame Esther y réfléchit mais va lâcher que même si cela pouvait être indirecte, la passion, l’amour pour le pagne a pris le dessus. « Elle ne m’y a pas obligé, j’étais bien ancrée dedans et je ne savais que faire ça », précise-t-elle et d’ajouter « aujourd’hui, je dors avec du pagne, je rêve du pagne et je me réveille avec du pagne ».

« Dans les années 70 le marché était bien florissant »

Activité bien florissante

« Dans les années 70 le marché était bien florissant », se souvient-elle, regard tourné vers le plafond pour se rabaisser sur un léger sourire avant de poursuivre « … et on brassait beaucoup d’argents ». Timidement, elle va avouer que c’est des millions qu’elles comptaient en fin de journée feignant donner de chiffres exacts. « Il y a des moments on est en boutique, on ne mangeait rien du matin jusqu’au soir parce que fourrées dans les billets de banque à les compter les disposer et c’était des moments forts inoubliables que j’ai gardés jusqu’aujourd’hui », précise-t-elle.

Selon ses propos, il n’y avait pas tellement de concurrents et la contrefaçon était quasi inexistante. Vlisco, c’est le meilleur, la qualité et l’excellence et donc pas de raison de ne pas vendre Vlisco. Elle témoigne d’ailleurs que presque toutes les grandes dames qui sont dans le commerce du pagne ont toutes commencé par vendre du Vlisco puisqu’il était encore le seul à faire du « Wax ».

Elle regrette que le marché soit saturé aujourd’hui, envahi par des contrefaits à prix cassés. Mais, dans toute initiative humaine, se console-t-elle, il y a des hauts et des bas et donc important de rester tenace.

Ce business de pagnes remonte donc à son arrière-grand-mère, ensuite sa grand-mère, sa mère et voilà elle aujourd’hui. Mais cet héritage qui se transmet de génération en génération pourrait-il se perpétuer ? Même si aujourd’hui avec l’évolution du monde, les enfants expriment autre envie que celle de leurs parents, Dame Esther veut bien croire que si cette transmission n’est pas directe, elle restera du moins dans la grande famille.

D’ailleurs n’est-ce pas leur arrière-grand-mère qui fut la première à acheter au Togo la première voiture Mercédès Benz d’où le nom « Nana Benz » ?

Esther Lawson Aziable est l’une de ces vaillantes femmes d’Afrique qui ont prêté leur visage à la campagne spéciale 170e anniversaire de Vlisco.

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