Le canton d’Atalotè, situé dans la préfecture de Kéran et à environ 500 km au nord de la ville de Lomé, est désormais un modèle en matière d’enregistrement des naissances. C’est clair, Atalotè ne veut plus d’enfants « fantômes » et  œuvre doter de tous les nouveau-nés, d’une identité légale.

Depuis 2015, un bureau de l’état civil est installé au sein même du centre de santé de la localité pour faciliter l’enregistrement des naissances. Cette initiative, mise en œuvre grâce au soutien du gouvernement et de son partenaire, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), vise à combattre l’apatridie et à garantir l’identité légale à chaque enfant.

En 2023, ce dispositif a permis à 230 enfants nés dans cette localité, d’obtenir leur acte de naissance dans les délais légaux, selon Kodjo Prosper Amétsiwou, médecin généraliste du centre. « En 2024, sur les 375 accouchements enregistrés, tous les enfants ont également reçu leur acte de naissance ».

 

Dr AMETSIWOU, médecin, responsable de la formation sanitaire du Centre de santé d’Atalotè._ Photo Hélène MARTELOT

« Grâce à des campagnes de sensibilisation menées dans les villages du canton, même les enfants nés à domicile bénéficient de cette démarche. En 2023, 10 enfants nés à la maison ont obtenu un acte de naissance, et ce chiffre est monté à 50 en 2024 », a ajouté Dr Amétsiwou.

Une solution intégrée pour des résultats efficaces

A Atalotè, l’interopérabilité entre les services de santé et ceux de l’état civil permet d’enregistrer immédiatement les enfants après leur naissance, sans que les parents n’aient à se déplacer dans un autre service. « Ce mécanisme élimine les obstacles pour que chaque enfant puisse avoir son acte de naissance rapidement », explique Midokpo Messan Wogbemasse, responsable du district préfectoral de santé (DSP) Kéran.

 

Midokpo Messan Wogbemasse, responsable du district préfectoral de santé (DSP) Kéran

Ce système intégré représente une avancée majeure dans la préfecture de la Kéran, où seul le centre d’Atalotè dispose de ce mécanisme. Dans le processus classique, les parents doivent obtenir une déclaration de naissance au centre de santé, puis se rendre dans un bureau d’état civil situé parfois loin pour obtenir l’acte de naissance. Une démarche fastidieuse qui, souvent, décourage les parents. Certains confondent la déclaration de naissance à l’acte de naissance.

Le rôle fort de la communauté 

Outre les efforts du gouvernement et des parties prenantes, la communauté s’est organisée dans un creuset appelé « organe fédérateur ». Ce regroupement se sont regroupés en association pour mobiliser activement et garantir une identité légale à chaque enfant. Les membres de cette structure vont de maison en maison pour sensibiliser les familles à l’importance de déclarer les naissances et d’obtenir un acte de naissance pour leurs enfants.

« Dès qu’un enfant naît à domicile, l’information nous parvient rapidement. Nous allons alors à la rencontre des parents pour les convaincre de venir au centre de santé et enregistrer l’enfant », explique M. Yao Gnon, président de l’association.

Le processus est simple : lors du premier rendez-vous de vaccination de l’enfant, les démarches administratives sont finalisées pour la délivrance de l’acte de naissance, un délai qui ne dépasse généralement pas un mois. « Nous expliquons aux parents que l’établissement de cet acte est désormais gratuit au Togo. Nous ne voulons plus que des enfants grandissent sans identité légale », ajoute M. Gnon.

Cette sensibilisation s’avère importante dans un contexte où certaines femmes hésitent encore à se rendre à l’hôpital pour accoucher. « Il y a des femmes qui ont peur ou qui pensent qu’elles n’ont pas les moyens. Nous les encourageons à venir, car tout est pris en charge », souligne Adjara ASSOUMANOU, membre de l’association.

D’autres facteurs, comme la paresse ou les accouchements imprévus sur la route, freinent encore certaines démarches. Mais, grâce aux efforts conjoints de l’association et du personnel médical, la situation évolue. « Nous expliquons que donner naissance à l’hôpital garantit la santé de la mère et de l’enfant, tout en facilitant l’enregistrement de la naissance », poursuit-elle.

Les membres de l’association ne ménagent pas leurs efforts pour faire comprendre aux familles l’importance de l’acte de naissance. « Quand un enfant a un acte de naissance, on connaît son âge réel. Cela l’aidera à chaque étape de sa vie, que ce soit pour aller à l’école, passer des concours ou s’intégrer dans la société », explique Moussafatou KARMON, également membre de l’association.

Une lutte contre l’apatridie soutenue par l’UNICEF

Au Togo, 22 % des enfants n’ont pas d’acte de naissance, un chiffre qui grimpe à 31 % en zone rurale, selon l’UNICEF. Cette situation met en péril leur avenir social, administratif et éducatif. Pour y remédier, le gouvernement a instauré la gratuité de la délivrance des actes de naissance depuis janvier 2022.

Monao Ouneri, secrétaire général de la commune Kéran 2

En parallèle, une campagne  « Mon nom est personne », lancée par l’UNICEF et l’Union africaine en 2020, sensibilise les communautés sur l’importance de l’identité légale. « L’acte de naissance confirme l’existence de l’enfant, lui permet de s’épanouir socialement et d’accéder à des droits fondamentaux comme l’éducation ou l’emploi », rappelle Monao Ouneri, secrétaire général de la commune Kéran 2.

Le modèle d’Atalotè, rendu possible grâce à l’engagement de l’UNICEF et au soutien des autorités locales, illustre l’impact positif d’une approche intégrée. « Nous espérons que ce système sera étendu à d’autres localités pour garantir à tous les enfants togolais une identité légale dès leur naissance », conclut Dr Wogbemasse.

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