Farida Bemba Nabourema, togolaise, activiste politique résidant aux Etats Unis met à son arc, une nouvelle corde. Elle a fait paraitre le 31 Janvier 2014 son premier ouvrage « La Pression de L’Oppression ». Cet ouvrage paru aux éditions RiovaS, va à l’encontre du pessimisme, du fatalisme et de l’attentisme dans lesquels sont plongées les personnes opprimées. L’auteur se lève contre ces faits qui dit-elle, empêchent les opprimés de se soulever contre leurs oppresseurs. Elle accorde une interview à la rédaction d’Africa Rendez-vous.

Africa Rdv : La pression de l’oppression, c’est votre premier bébé, qu’est-ce qui vous a emmené à accoucher cela ?

Farida Nabourema : Le but de ce livre est de définir les contours du combat que je mène contre l’oppression des peuples africains. J’ai voulu publier un ouvrage simpliste qui explique de façon subtile les rouages de l’exploitation des peuples afin de permettre à ceux qui sont moins informés de découvrir comment ils sont opprimés.

Pour vous, il faut la révolte pour les Togolais… N’est-ce pas un peu trop osé ?

La solution à toute oppression est la révolte de l’opprimé contre l’injustice dont il est victime. Et cette révolte doit avant tout être individuelle. Il faut absolument que chaque individu opprimé, que ce soit dans son foyer, sa famille, son service, sa communauté et son pays rejette son oppression en ne tolérant plus les abus vis-à-vis de sa personne. L’on ne peut pas prétendre vouloir la liberté de son pays quand dans sa propre famille l’on se laisse abuser. L’injustice socio-politique que nous vivons tire sa source de notre passivité face à notre exploitation. Les Togolais sont extrêmement passifs et ils laissent faire leurs tyrans en confiant leur libération au ciel. L’on préfère attendre un héros pour réaliser un miracle afin de restaurer sa dignité et sa liberté ; chose qui n’arrivera jamais. Et la révolution doit commencer au niveau micro dans les familles et les communautés avant d’arriver au niveau macro c’est-à-dire au gouvernement. Cela commence par le conducteur qui refuse de soudoyer l’officier de police pour éviter une sanction, par le parent qui refuse de soudoyer l’administrateur de l’état civil pour faire délivrer l’acte de naissance de son enfant, par le citoyen qui refuse de payer ses impôts aussi longtemps que l’état de ne respectera pas ses droits, par le parent qui refuse de soudoyer le juge pour que son enfant criminel échappe à la prison etc… L’on ne peut pas espérer que le gouvernement change ou que la soit distante communauté internationale ait confiance en nous quand nous sommes corrompus dans nos propres communautés et tolérons l’injustice en son sein. Les autres ne peuvent pas avoir pitié de nous quand nous n’avons pas pitié de nous-mêmes.

Je voudrais que les valeurs qui étaient encrées dans nos cultures ancestrales renaissent. Que l’on choisisse la dignité face à la servilité en toute situation et que l’on préfère mourir digne que de vivre indigne. Alors j’appelle avant tout les Togolais à se révolter individuellement contre l’oppression dont ils sont victimes et quand ce changement moral s’opèrera au sein de nos communautés, il s’étendra à toute la nation car un peuple indigne et poltron ne peut jamais se libérer du joug de ses oppresseurs.

On aura cru que vous nourrissez un mépris profond pour le Chef de l’Etat togolais au point que vous dîtes redéfinir son prénom.

Mépris, absolument Non, car on méprise ses semblables. Et en ce qui me concerne Faure Gnassingbé est un monstre. Ce n’est pas du mépris, c’est  de l’aversion. Vous savez, ça n’est pas moi qui ai redéfinit le prénom de ce monsieur. Le sigle F.A.U.R.E qui signifie Fédération des Assassins et des Arrivistes Unis pour Relayer Eyadema est né en 2005 quand j’étais en classe de seconde au Lycée de Tokoin. C’est suite aux meurtres de 2005 que Faure Gnassingbé et son groupe de délinquants ont orchestré pour voler un pouvoir exécutif qui ne leur appartient pas, que ce sigle a été forgé par je ne sais qui mis circulait au lycée. Nombreux des lycéens avaient une aversion sans parallèle pour Faure Gnassingbé et ses collaborateurs qui ont choisi de saigner le Togo et d’arracher la vie à des centaines de togolais juste pour pérenniser la dictature dans notre cher pays.

Alors F.A.U.R.E n’est pas une invention de Farida Nabourema et dire le contraire serait une malhonnêteté intellectuelle. Ce sigle appartient à ma promotion ainsi qu’à toute ma génération. À la génération de ces jeunes lycéens qui avaient cru un tant soit peu que la mort d’un dictateur signifierait la fin de la misère, l’amélioration des conditions d’études à l’université, la fin du chômage qui est le principal débouché pour les diplômés universitaires togolais ; bref, un avenir radieux. Faure Gnassingbé et sa bande d’assassins et d’arrivistes avaient brisé nos rêvés et ce sigle leur a été taillé sur mesure. Le 26 Avril 2005, quand Faure Gnassingbé a volé le pouvoir à Bob Akitani, je m’étais dite qu’aussi longtemps que je vivrai et que ce monsieur sera au pouvoir, il n’aura jamais la paix parce que je suis prête à pire que lui pour lui arracher ce siège et lui faire payer le meurtre de ces centaines de togolais qui ont été tués froidement par ses sbires. Et j’ai la certitude que je ne faillirai pas à ma mission.

Vivante et même morte je hanterai Faure Gnassingbé et son gang juste qu’à ce qu’ils quittent ce pouvoir.

Nombreux sont ceux qui pensent que votre activisme est motivé par le fait que vous soyez hors du Togo.

Si je suis venue aux États-Unis, c’est parce que mes parents voulaient comme tout parent togolais qui le peut, m’offrir de meilleurs chances en m’envoyant étudier dans un pays où les universités ne ressemblent pas à des champs et où les étudiants ne sont pas obligés de grever chaque trimestre pour avoir des misérables aides financières de la part d’un gouvernement irresponsable qui préfère investir dans les excursions  des dirigeants plutôt que dans l’éducation de sa jeunesse. Je suis venue aux États-Unis pour avoir une meilleure éducation académique et je suis ravie d’avoir eu cette opportunité car cela m’a ouvert les yeux sur de nombreuses choses. J’ai compris que mon pays était bien plus en retard que je ne l’imaginais et je trouvais injuste qu’il soit la source de revenue des pays producteurs de minables fromages comme la France.

Le Togo ne devrait rien envier à un pays aussi naturellement pauvre que la France dont la principale richesse est le racisme et le négationnisme. Mais à cause des égoïstes qui sont au pouvoir, le Togo est ce qu’il est. Pour vous dire que mon activisme n’est pas un fleuve qui prend sa source dans ma résidence aux USA.

Mon activisme a été renforcé par mon séjour aux Etats-Unis car je souhaite que le Togo redevienne ce pays qui suscitait le respect des pays comme les Etats-Unis dans les années 60 quand son seul et unique élu de tous les temps, Feu Sylvanus Olympio fut reçu par les américains comme le digne fils de cette noble terre qu’est le Togo. Je souffre qu’aujourd’hui, mon pays soit moqué, piétiné et humilié par les autres et je suis enragée que des valets de chambres bons à être reçus par les préfets des villages français le dirige.

Votre ouvrage n’est pas encore distribué en au Afrique  et au Togo, en particulier. Est-ce une censure ?

Mon ouvrage sera distribué au Togo, au Benin, au Ghana et dans d’autres pays d’Afrique dans les mois à venir. Le temps que les librairies et les distributeurs reçoivent leurs stocks étant donné que les livres sont produits aux Etats-Unis. Le message que j’essaye de porter dans mon livre est destiné aux africains et il serait déplorable que les africains ne puissent pas avoir accès à un ouvrage qui leur est destiné.

Des pressions sur vous, votre entourage, vous en observez ?

Les pressions font à présent partie de mon quotidien : d’où « La Pression de l’Oppression » (Rires). Elles ont commencé en 2011 quand j’ai officiellement déclaré la guerre au régime de Faure Gnassingbé. Mon entourage en a eu également pour son compte. Les plus courageux ont pu les surmonter, et les moins estimables ont préféré me surmonter (Rires). De toutes les façons si les armes de Faure Gnassingbé ne m’effraient pas, ce ne sont pas les menaces des plaisantins et des commis du régime à qui l’immoralité et l’hypocrisie ont permis de monter au rang de ministre qui me feront peur. J’ai toujours dit une chose : en tant que citoyenne togolaise, je suis l’une des propriétaires de ce pays et chaque franc que les dirigeants togolais volent est aussi mon argent. Par conséquent c’est aux voleurs d’avoir peur des propriétaires et non le contraire. Et pour finir, ils n’ont pas le monopole de la violence et de l’intimidation. Je ne suis pas ni égarée ni en cachette alors qui me cherchera me trouvera.

Un message que vous auriez souhaité faire passer ?

Je voudrais avant de conclure vous remercier de m’avoir accordé cet entretien. Ensuite je dirai merci à toutes les personnes qui comprennent mon engagement et bonne chance à ceux qui croient après 50 ans de dictature que le Togo sera délivré par le dialogue avec un régime qui se nourrit de mensonges, de meurtres, de détournements des fonds publics, de népotisme, de corruption et de gabegie. En ce qui me concerne, F.A.U.R.E Must Go ! Quand on a un voleur, assassin et violeur dans sa maison, on ne l’accepte pas pour que la paix règne dans sa maison car un criminel n’apportera jamais la paix à ses victimes. Enfin, je voudrais remercier  tous les citoyens togolais qui maintiennent la flamme de la liberté allumée malgré les tempêtes de sang, les tornades de larmes, les volcans de gaz lacrymogènes et enfin, les tsunamis d’injures et de railleries dont ils sont victimes de la part de ces personnes qui  en préférant jouer à l’âne pour avoir le foin sont devenus plus bêtes que l’âne lui-même.

Merci !

Interview réalisée par Sylvio Combey

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Notes sur l’auteur :

Farida Bemba Nabourema est née le 19 Avril 1990 à Lomé au Togo où elle a fait ses études primaires et secondaires. Après l’obtention du BAC en 2007, passionnée de l’histoire, elle s’inscrira au département d’Histoire à l’université de Lomé  avant de partir aux Etats-Unis à l’âge de 18 ans pour poursuivre ses études supérieures. Elle étudiera les Relations Internationales avec une spécialisation sur le Moyen Orient à l’Ecole des Etudes Internationales (School of International Studies) d’American University à Washington D.C

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