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Le continent africain doit impérativement développer ses infrastructures, préalable indispensable à son développement socio-économique. Mais les pays africains font face aux conséquences financières de la crise sanitaire, au recul des investissements chinois et aux réalités d’un environnement budgétaire contraint. Les États du continent doivent donc dégager les ressources nécessaires en améliorant leurs recettes fiscales, qui demeurent encore bien en deçà des standards internationaux.

Une part trop faible du PIB consacrée aux infrastructures

Se développer et assurer à ses habitants un niveau durable de prospérité et de satisfaction de leurs besoins essentiels, certes, mais comment y arriver sans infrastructures dignes de ce nom ? C’est là tout le défi de l’Afrique, qui fait face à un déficit criant d’infrastructures et d’équipements de qualité, déficit lui-même causé par un manque de financement. Selon la Banque Africaine de Développement (BAD), le continent aurait ainsi besoin de 170 milliards de dollars par an jusqu’en 2025 pour développer ses infrastructures, un montant auquel manquent aujourd’hui quelque 108 milliards annuels. Or, si les États africains demeurent bien, devant la Chine et les bailleurs internationaux, les premiers financeurs de leurs propres infrastructures (avec 37% des engagements, selon le Consortium pour les Infrastructures en Afrique – ICA), ceux-ci ne consacrent en moyenne, toujours selon la BAD, que 4% de leur PIB à l’amélioration des infrastructures.

En d’autres termes, le continent reste fortement dépendant de l’aide internationale. À titre d’exemple, le président américain Joe Biden a dévoilé, à la fin du mois de juin, les contours d’un nouveau fonds destiné à financer les projets d’infrastructures dans les pays en développement – au premier rang desquels l’Afrique. Doté de 600 milliards de dollars, ce Partenariat mondial pour les infrastructures et les investissements (PGII, en anglais) devrait permettre de financer des projets autour de la santé et de la sécurité sanitaire, de la sécurité climatique ou encore de la connectivité numérique. Cette ultra-dépendance de l’Afrique envers l’aide étrangère n’est pas sans poser problème, comme en témoigne le désengagement partiel de la Chine sur le continent : en 2019, les investissements chinois auraient ainsi reculé à 7 milliards de dollars, contre 28 milliards en 2016 ; dans le même temps (2017-2020), les prêts accordés par les banques chinoises à des projets d’infrastructures en Afrique subsaharienne auraient été divisés par trois.

Les infrastructures, « un élément essentiel pour générer une croissance durable et un développement équitable » en Afrique

Si l’argent vient à manquer, les infrastructures ne peuvent être édifiées ni entretenues. Or celles-ci sont nécessaires tant au développement de l’activité économique (la Banque mondiale estime que le manque d’électricité ferait perdre 2 à 4 points de croissance par an) qu’à l’accès aux besoins essentiels des Africains, dont plus de 425 millions sont considérés comme vivant en situation d’extrême pauvreté – un chiffre auquel il faudrait ajouter 30 millions d’individus supplémentaires depuis la crise sanitaire. Comme l’affirme la BAD, « l’impact positif des infrastructures sur la croissance économique et le développement social équitable est bien établi » : « les infrastructures ont une incidence directe sur la productivité et le rendement dans le cadre de la formation du PIB. Elles participent aussi à la fonction de production des autres secteurs. (…) À titre d’exemple, une énergie de mauvaise qualité peut handicaper une entreprise en lui imposant des coûts supplémentaires qui se traduisent par des travailleurs peu productifs, des pertes de production ou des équipements endommagés ».

«Il est donc impératif », poursuivent les experts de la BAD, « que l’Afrique développe des infrastructures de haute qualité pour atteindre les objectifs de développement durable établis par l’Organisation des Nations Unies (ONU), l’Agenda 2063 de l’Union africaine (UA) et les cinq priorités (…) de la BAD. L’Afrique en a besoin pour accroître sa productivité économique et maintenir sa croissance, sur laquelle de bonnes infrastructures ont un impact à la fois direct et indirect ». En somme, le développement des infrastructures apparaît comme « un élément essentiel pour générer une croissance durable et un développement équitable » sur le continent africain, et ce d’autant plus que « les avantages économiques que pourrait tirer l’Afrique d’infrastructures de meilleure qualité sont plus élevés que pour d’autres régions du globe », concluent les auteurs du rapport de la BAD.

L’augmentation des recettes fiscales, la condition sine qua non

 Comment les États africains peuvent-ils donc investir dans leurs infrastructures sans compter, exclusivement, sur l’aide des bailleurs internationaux ? Ils doivent pour cela disposer des fonds nécessaires et augmenter leurs ressources propres – à commencer par les impôts et taxes dont la collecte représente, en Afrique, un défi de taille. Parmi les pistes explorées par les pays africains pour répondre à la hausse des besoins budgétaires, l’amélioration de la collecte fiscale s’impose donc comme une priorité absolue. Avec, en ligne de mire, un recours accru aux outils technologiques.

La Tanzanie a, par exemple, augmenté de 60 % ses recettes sur les droits d’accise grâce au déploiement de dispositifs fiscaux électroniques (EFD), remontant directement à l’administration fiscale. Un enjeu de taille confié à la société suisse SICPA, l’un des principaux acteurs des solutions d’authentification, identification et traçabilité, très présente en Afrique et reconnue pour l’efficacité de sa technologie. Cette approche est d’ailleurs largement plébiscitée par le Fonds Monétaire International (FMI) dans le cas des pays en développement, dont les marges de progrès dans la collecte des droits d’accise restent un levier d’action prioritaire, le FMI conditionnant même ses aides au déploiement d’un système de traçabilité dans le cas de la République démocratique du Congo par exemple. La République centrafricaine a, de son côté, signé une série d’accords avec ses voisins dans le but d’augmenter ses recettes douanières. Et plusieurs pays, comme le Ghana, l’Afrique du Sud ou Maurice, ont adhéré à la convention de norme commune de déclaration afin de réduire l’impact du secteur informel sur l’économie.

Selon l’ONU, le continent perdrait ainsi plus de 50 milliards de dollars par an en raison de flux illicites d’argent, des transferts massifs sans lesquels le PIB africain pourrait être supérieur d’au moins 16%. « Conséquences de ces pratiques : faute de recettes publiques suffisantes », analyse dans Le Point l’expert des relations internationales Malick Diawara, « il y a un vrai sous-financement de l’investissement public et de l’équipement obérant les possibilités d’organiser et de mieux maîtriser la croissance économique ». Autant d’initiatives aussi nécessaires qu’urgentes pour augmenter leurs recettes et miser, enfin, sur les infrastructures dont ils ont plus que jamais besoin.

Voltic Togo