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Malgré son interdiction, le phénomène prend de plus en plus de l’ampleur surtout à Bamako. Les enfants sont envoyés dans la rue pour quémander leur pitance journalière et des espèces sonnantes et trébuchantes

Il est très difficile à Bamako présentement de se promener sans croiser un enfant mendiant dans la rue. C’est dire que le phénomène de la mendicité des enfants, malgré le fait qu’il soit officiellement interdit au Mali prend de l’ampleur de façon inquiétante. Presque toutes les grandes voies, les rues, les places publiques, les lieux de cultes et même les portes de cimetières sont occupées par ces mioches à la quête de pitance et surtout d’espèces sonnantes et trébuchantes.

Les études menées dans la capitale malienne ont recensé plus de 6 000 enfants mendiants dans les rues. Ordinairement, ces enfants sont exploités par des adultes, qui les obligent à aller mendier et à ramener certaines sommes, sous peine d’être punis violemment. Plus de 90 % de ces enfants de rues sont des garçons, qui vivent généralement en bande, dormant dans des édifices publics ou sous des ponts. Beaucoup d’entre eux sont issus de familles nombreuses, venus tenter leur chance en ville ou encore dess orphelins.

Les points de vue divergent sur cette problématique. Certains voyaient dans la pratique un aspect éducatif, d’endurance, avoir une bonne conduite et bannir quelques maux de la société comme la lâcheté et la fainéantise. D’autres évoquent la dimension traditionnelle et religieuse.

Aujourd’hui il y’a d’autres explications à la pratique. Qu’on ne se leurre pas les causes de la mendicité des enfants sont  avant tout économiques mais aussi d’ordre religieux et socioculturel. L’organisation de la mendicité des enfants par certains parents, maîtres coraniques ou tuteurs est expliquée comme une solution facile choisie par ceux-ci face aux difficultés de la vie pour assurer leur survie économique ou pour satisfaire leur cupidité.

A cela il faut ajouter la réponse inappropriée de l’Etat face au phénomène, illustré par l’absence de cadre législatif régulant les écoles coraniques, la faible prise en compte dans les projets et programmes de lutte contre la pratique, d’actions à la fois de prévention, de réinsertion, de suivi et de répression, la durée trop courte de ces programmes et le manque de coordination des interventions.

Les témoignages des enfants rencontrés dans les rues de Bamako sont poignants et illustrent leur drame. Il est 18 heures nous sommes devant la mosquée d’Hamdallaye. Non loin de la devanture de cette mosquée très prisée sont regroupés les enfants mendiants. Youssouf Diallo, originaire de Wô un village de Bandiagara dans la région de Mopti faisait partie de cette bande des petits mendiants attroupé devant cette mosquée. Âgé de 9 ans le jeune garçon explique avoir quitté son village natal pour apprendre le saint coran chez son maître qui l’exploite avec d’autres enfants. Pour venir sur ce site, Youssouf et ses amis marchent sur 2 à 3 km. Dans la rue explique, le petit, les enfants se regroupent par affinité. « Chaque matin on se donne rendez-vous devant la place Can sis à l’ACI 2000 pour prendre en otage la rue » dit-il souriant.

Ces innocents sont prêts à affronter tous les dangers du monde  pour retourner au domicile du maitre coranique sis à Sébénikoro avec la totalité de la recette journalière qui s’élève à 1000 FCFA. « Sans cette somme il est or de question pour moi de retourner à la maison au risque d’être sévèrement puni. Dans ce dessein on arpente souvent tous les quartiers de la commune IV pour réunir la somme indiquée par le maitre », confie le jeune Youssouf mendiant qui n’avait pas l’intention de rentrer au bercail malgré une pluie battante.

Oumar Kourechi lui n’a que 7ans. Nous l’avons rencontré au grand marché de la capitale il était environ 15 heures. Le petit garçon muni d’une tasse marchait pieds nus sous un soleil de plomb. L’enfant est tenu non seulement de se nourrir tout seul mais également de contribuer aux recettes du précepteur. Fatigué et très abattu le pauvre mioche réclamait aux passants de l’argent ou de la nourriture. Il nous confie que sa journée commence chaque jour à 6 h 30 mm et se termine à X heures. «Jouer pour nous autre est un luxe», s’est lamenté le jeune Oumar et de préciser que même malade il est obligé de sortir pour faire face à ses obligations vis à vis de son maitre.

Tout comme Moussa Aminata a du aussi abandonner le chemin de l’école à cause de la pauvreté de ses parents. La fillette âgée de 8 ans conduit son père mal voyant dans les rues de Bamako pour faire face aux besoins de la famille. Chaque jour, elle et son père s’installent au bord de la voie qui  mène au centre ville de la capitale pour quémander. A son âge notre jeune mendiante n’a pas peur de se faufiler entre les véhicules et les motos. «  Je sais que le risque est très grand mais il faut cela pour inciter les uns et les autres à être plus complaisant à notre sort » souligne-t-elle.

Cependant il faut reconnaître que la problématique de la mendicité est très complexe, car pour beaucoup de gens, elle est une émanation de la religion musulmane et une tradition séculaire qu’il convient de respecter. Et telle qu’elle se pratique actuellement, elle prend plusieurs formes. Ainsi, à la mendicité des talibés et des nécessiteux qui est très ancienne, se sont ajoutées celle des mineurs et celle des jumeaux.

Il est difficile de ne pas dénoncer celle des femmes avec enfants et bébés dans les bras qui se postent aux carrefours des grandes villes et qui offrent un spectacle désolant, en soumettant ces pauvres enfants aux rigueurs du froid, du soleil et de la forte chaleur. Un autre cas dont il faut urgemment se pencher.

Voltic Togo