Depuis 1993, il est célébré chaque 03 Mai, la journée mondiale de la liberté de presse. Au Togo, l’évènement ne passe pas sous silence. La Synchronie des professionnels des médias qui regroupe sept Organisations de presse vient de publier un mémorandum. Ce mémorandum dont la rédaction d’Africardv a reçu copie dresse le tableau des multiples agressions, menaces et intimidations dont les journalistes font l’objet de 2012 à 2013.

A en croire le Coordonateur de la Synchronie, Augustin Amégan des correspondances ont été adressées aux Ministres de la sécurité et de la protection de même que le Garde des Sceaux, ministre de la justice exigeant la publication des enquêtes dites ouvertes.

 Lire le Mémorandum in extenso

MEMORANDUM DE LA SYNCHRONIE DES JOURNALISTES SUR LES AGRESSIONS DES JOURNALISTES AU TOGO (2012-2013)

L’année 2012, un peu comme les années précédentes, a été très tumultueuse pour la presse privée togolaise en matière de libre exercice de la profession. A plusieurs reprises, les journalistes et autres professionnels de médias ont été victimes de multiples agressions de la part des forces de sécurité. Les auteurs de la panoplie d’agressions ont été dans certains cas formellement identifiés mais sont restés jusqu’à ce jour impunis. La plupart de ces agressions se sont produites sur les lieux de reportage bien que les journalistes se soient identifiés tels.

La Synchronie des professionnels des médias constate que ces agressions ont repris de force au cours de cette année 2013 avec en plus, des menaces et intimidations à l’encontre de journalistes jugés critiques vis-à-vis du pouvoir en place.

*Le vendredi 2 Mars 2012: Frédo ATTIPOU, reporter d’images du journal « Le Canard Indépendant », du magazine « Sika’a » et d’autres sites de la diaspora a été victime d’une voie de fait des policiers. Il a été roué de coups de bâton et de ceinture par les forces de l’ordre au niveau de la Direction de Moov. Le reporter ne faisait pourtant que son travail en filmant un incident consécutif à la saisie d’une moto par les policiers lors d’une manifestation  organisée par les ODDH pour protester contre la falsification du rapport de la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH) sur la torture. Le Ministre de la sécurité et de la protection civile d’alors le Col. Dokessime GNAMA LATTA, après avoir pris en charge des frais médicaux et présenté des excuses, a promis faire toute la lumière sur cet acte clérical et punir les auteurs ; mais aucune suite plus d’un an après.

*Le 27 Avril 2012, Noel Kokou TADEGNON journaliste reporter d’image de la Télévision « Reuters » et correspondant de la « Voix de l’Allemagne » a été assommé à la place de l’indépendance, au cours d’une manifestation du Collectif Sauvons le Togo (CST), par des agents sous le commandement du Commissaire SAMA. Ce dernier d’un ton assez menaçant avait demandé au journaliste pourquoi il braquait sa caméra sur les forces de sécurité au lieu de filmer ceux qui manifestaient. A peine le journaliste avait rappelé à son interlocuteur qu’il avait le droit de faire son travail en toute liberté, que le Commissaire Sama ordonna à ses éléments de lui retirer la caméra. Les policiers se sont immédiatement rués sur le journaliste et l’un d’eux lui a asséné de violents coups à la nuque. Le journaliste Noel TADEGNON s’est retrouvé au sol dans un état inconscient. Après ce forfait, les forces de sécurité l’ont abandonné tout en emportant sa caméra et celle de Didier Ali journaliste caméraman à TV7. Les caméras de nos confrères n’ont été restituées que plusieurs jours après. Le journaliste a porté une plainte dont l’instruction à ce jour est toujours en souffrance.

*Le vendredi 05 Octobre 2012, au cours d’une manifestation du Collectif « Sauvons le Togo » et de la Coalition « Arc-en-Ciel », le journaliste Justin ANANI du journal « Crocodile News » a été victime dune violence inouïe de la part d’un officier de police au carrefour de Bè, sur le Boulevard Félix Houphouêt Boigny. Le journaliste s’est retrouvé à terre après avoir reçu un coup et un tacle de la part du Commissaire de police BABARIM. Cet acte est intervenu quelques minutes seulement après qu’un policier s’est lancé avec véhémence sur le journaliste Sylvio Combey COMBETEY, président du RAJOSEP, et l’a menacé de le gifler s’il n’arrêtait pas de filmer l’interpellation de deux jeunes.

Le samedi 20 octobre 2012, le Ministre de la Sécurité, le  Col. Damehane YARK et les directeurs généraux de la Police et de la Gendarmerie, au cours d’une rencontre avec des Organisations de presse, ont affirmé leur engagement à situer dans les meilleurs délais les responsabilités. Jusqu’à ce jour, aucune suite concrète n’a été donnée.

*Le jeudi 10 janvier 2013, alors qu’un groupe de journalistes assuraient la couverture médiatique de la manifestation du Collectif Sauvons le Togo (CST),  ils ont été la cible de deux tirs de grenades lacrymogènes. Noel Kokou TADEGNON journaliste reporter d’image de la Télévision « Reuter »s et correspondant de la « Voix de l’Allemagne » et Marcelin  ADONGNONSI pigiste à Radio Légende Fm se sont retrouvés avec des blessures.

Plusieurs Organisations de presse ont relevé que les tirs étaient bien intentionnels puisque les journalistes étaient identifiables par leurs gilets et s’étaient aussi démarqués des manifestants. Aucune suite n’a été donnée à ces violences perpétrées sur les journalistes alors que le Commandant FIAMAGNE a été témoin d’un autre tir de grenades lacrymogènes sur des journalistes, ce qui va entrainer une débandade. Comme autre conséquence,  Jean-Claude ABALO photographe et journaliste à « Jeune Afrique » s’est retrouvé à terre avec son bras droit déboité.

*Le jeudi 14 Mars 2013, des journalistes ont organisé un sit-in pacifique à la plage en face de la Présidence de la république, à Lomé. Des forces de sécurité n’ont ménagé aucun effort à tirer de grenades lacrymogènes et des balles en caoutchouc sur des journalistes à bout portant. Le journaliste Younglove Egbeboua AMAVI, Secrétaire général du SAINTJOP en a fait les frais avec sa mandibule droite fracturée et beaucoup de lésions dans la bouche.

La journaliste Yollande LOVI COLE de la télévision « RTDS » était également tombée en syncope sous l’effet des gaz lacrymogènes. Alors qu’une autre consœur de la « TV7 » s’évertuait à l’aider, elles ont encore été bousculées par d’autres gendarmes.

Au lieu de présenter des excuses publiques et mener des enquêtes conformément, le Ministre va plutôt faire publier un communiqué fallacieux sur toute la ligne. Une plainte est en voie d’être déposée suite à cet acte ignoble.

*Le mercredi 3 Avril 2013, le reporter d’images Frédo  ATTIPOU a échappé à une tentative d’assassinat à ADIDOGOME, banlieue nord ouest  de la capitale. Alors qu’il rentrait de l’Eglise, il a été  pris en tenaille par deux voitures dont l’une sans immatriculation. Les occupants de la voiture lui ont proféré des menaces avant de tenter de l’écraser avec les voitures. Le reporter d’images Frédo ATTIPOU a réussi à s’extirper de ses agresseurs mais va finir à terre avec le menton ensanglanté. Jusqu’à ce jour, aucune enquête sérieuse n’a été menée pour faire la lumière.

Des menaces et intimidations

La Synchronie des professionnels des médias déplorent que ces bavures policières continuent malgré les multiples formations de remise à niveau que les forces de sécurité ont reçu en matière d’encadrement des manifestations publiques.

Outre ces agressions physiques, les journalistes togolais subissent des menaces et intimidations. Les journalistes du secteur public ne sont pas non plus épargnés.

Le lundi 15 avril 2013, en respect au mot d’ordre de grève lancé par la Synergie des travailleurs du Togo (STT) pour exiger de meilleures rémunérations, le journaliste Fidèle LOUYA de Radio Lomé s’est contenté d’un service minimum, en présentant une édition de journal parlé d’une durée de trois (03) minutes. Il a été interpellé par le Rédacteur en Chef  qui lui a demandé des explications sur son attitude. Dans la même journée, le journaliste a reçu de nombreux coups de fil menaçants. « On te voit venir, il va falloir t’arrêter avant que tu ne contamines les autres », lui a dit un de ses nombreux appelants anonymes. « Tu récidives, tu verras ce qui va t’arriver », lui a promis un autre.

Le mercredi 17 avril 2013, alors qu’il rentrait à la maison après avoir préparé l’édition du journal parlé de 19 heures, Fidèle LOUYA a constaté qu’il était suivi par un véhicule et une moto. Il s’est alors obligé à violer un feu tricolore, pour échapper à ses poursuivants.

*Le mardi 23 Avril 2013, le Coordinateur de la Synchronie Augustin koffi AMEGA a été informé par une source anonyme qu’un scenario était en cours contre sa personne. Dans la soirée aux environs de 21 heures alors qu’il quittait son bureau, Augustin AMEGA a été informé qu’il faisait objet d’une filature et a dû prendre certaines précautions.

Les agressions, intimidations et menaces à l’endroit des journalistes deviennent de plus en plus légion et se nourrissent d’une impunité criarde assurée aux autorités publiques aux auteurs des agressions sur les journalistes.

Face à ce constat, la Synchronie des professionnels des médias exige, dans les plus brefs délais, la publication des résultats des enquêtes dites ouvertes sur ces cas d’agressions et des sanctions exemplaires contre les auteurs de ces actes. La Synchronie des professionnels des médias dénonce par ailleurs le silence complice des autorités togolaises face à l’agression des journalistes et se réserve le droit d’entreprendre des actions en cas d’indifférence des pouvoirs publics.

                                                                  Fait à Lomé, le 30 Avril 2013,

                                                                            Pour la Coordination


                                                                     Sylvio Combey COMBETEY

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