Interrogé le 8 avril par un juge du pôle financier parisien, Jacques Dupuydauby a rapporté les confidences qui lui auraient été faites à Tripoli, le 28 janvier 2009, par deux dignitaires du régime du colonel Kadhafi – renversé en 2011. Il s’agit de Bachir Saleh, alors directeur du cabinet du dictateur, et de son bras droit, Cheick Amadou – dit “Bany” – Kanté, ex-représentant pour l’Afrique de l’Ouest du Libya Africa Portfolio for Investment, le puissant fonds souverain libyen.   Polémique.

D’après le récit livré au juge par M. Dupuydauby, ses deux interlocuteurs lui auraient expliqué qu’ils étaient contraints de stopper toute collaboration avec lui, au profit de M. Bolloré, à la suite des injonctions de Claude Guéant, alors secrétaire général de l’Elysée. “M. Guéant a rappelé à MM. Saleh et Kanté, qui me l’ont répété, que M. Bolloré avait joué un rôle important dans le financement de la campagne de M. Sarkozy en 2007, a assuré au Monde M. Dupuydauby. Il aurait servi d’intermédiaire, via notamment le Liechtenstein, pour le transfert des fonds libyens destinés au financement occulte de M. Sarkozy.”

M. Guéant aurait du coup obtenu que le régime libyen évince M. Dupuydauby, avec qui il était lié par différents accords, au profit de M. Bolloré, ce dernier obtenant par exemple en janvier 2011, juste avant le déclenchement de la révolution qui allaitcauser la perte de M. Kadhafi, la concession du port de Misrata.

Ces révélations, M. Dupuydauby les a faites dans le cadre d’une information judiciaire ouverte pour “extorsion” par le parquet de Paris en toute discrétion, le 7 janvier, après une plainte de M. Dupuydauby. Initialement, l’enquête portait sur le conflit qui l’oppose à M. Bolloré s’agissant de la gestion du port de Lomé, au Togo. Mais, au cours de son audition, M. Dupuydauby a détaillé les dessous du conflit qui l’oppose à son rival dans d’autres pays africains : le Gabon, le Cameroun, la Côte d’Ivoire et donc la Libye.

Les déclarations de l’homme d’affaires, qui voue à M. Sarkozy une haine viscérale, intéressent d’autant plus le juge Tournaire que ce dernier est, depuis le 19 avril, chargé d’une instruction portant sur un éventuel financement libyen de la campagne de M. Sarkozy. Une enquête ouverte à la suite des allégations proférées par l’intermédiaire Ziad Takieddine (Le Monde du 22 avril). Des accusations similaires avaient été lancées par d’anciens proches de M. Kadhafi.

Selon nos informations, M. Dupuydauby avait déjà, au mois de janvier, relaté surprocès-verbal les confidences de MM. Saleh et Kanté s’agissant de fonds occultes supposément débloqués au profit du candidat Sarkozy en 2007. C’était devant la brigade financière, saisie d’une enquête préliminaire déclenchée à la suite d’autres plaintes, pour “menaces” et “trafic d’influence” notamment, déposées par l’homme d’affaires. M. Bolloré a d’ailleurs été interrogé dans ce cadre, il y a quelques mois, par les policiers.

Sollicité, le conseil de M. Sarkozy n’a pas réagi. L’avocat du groupe Bolloré, Olivier Baratelli, a déclaré “inimaginable de donner un quelconque crédit à M. Dupuydauby. Il répand la rumeur et la calomnie depuis des années, sans aucun fondement. Il a été condamné à la demande du groupe Bolloré au Cameroun, au Gabon, au Togo, partout où il essaie de distiller des informations fausses”.

Source: Le Monde

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