Au Togo, tout comme au Nigéria et au Bénin, la vente de produits pétroliers non raffinés a le vent en poupe. Au Togo, ils sont très prisés par les conducteurs à faibles revenus. On l’appelle, le « boudè ». Le gouvernement y mène une lutte, non sans compromis et victimes.
Le gouvernement togolais a en début de cette année 2014, revu à la hausse, les prix des produits pétroliers. Nombreux sont ces conducteurs qui, au vu de cette augmentation, n’ont pas réfléchit par deux fois avant de se retourner vers les commerçants du carburant non raffiné communément appelé « boudè ».
Pour ce vendeur qui a requis l’anonymat, la revue à la hausse n’a pas eu d’incidence sur les prix du « boudè ». En tout cas, pas jusqu’au jour de l’entretien. L’augmentation, selon ses explications, ne survient chez eux, nous que quand une pénurie est constatée au Nigéria, mieux encore au Bénin où ils s’approvisionnent. Le ravitaillement se fait par bidons de 25 litres traversant les frontières dont la porosité n’est plus à démontrer.
« Le prix actuel du « boudè » sans plomb est toujours à 550 francs le litre tandis que le mélange est à 600 frs chez nous », confie-t-il devant son étalage à Lomé. Selon ses explications, l’inflation favorise une vente rapide et excessive du « boudè ». « Avec cette nouvelle hausse du prix à la pompe nous faisons un bon chiffre d’affaires », a-t-il soutenu.
Ceci, pour faire comprendre que le nombre de ceux qui se sont tournés vers le « boudè » sont assez bien nombreux.
La revanche du gouvernement
Le gouvernement togolais n’a cessé de mener une « guerre » contre les vendeurs du « boudè », étiqueté carburant frelaté ou encore illicite.
Il « frappe » à travers le Ministère de la sécurité avec ses agents de l’opération « Entonnoir » mise en place juste pour la cause.
L’opérationnalisation de l’ « Entonnoir » n’a pas été sans incidents et victimes.
Si les contrebandiers eux-mêmes sont parfois la source de leur malheur (incendie de leur propre maison, accidents de circulation), la chasse-poursuite à leur endroit de ces vendeurs occasionne aussi plusieurs dégâts. Cette chasse-poursuite occasionne dans la plupart des cas, non l’interpellation des vendeurs mais leur accident surtout que ces derniers aiment esquiver.
Par moment, ces agents de l’Opération Entonnoir font des descentes inopinées sur le terrain pour opérer des saisies. SI dans certains cas, cela tourne à la bastonnade d’une part, et à une réplique violente d’autres parts, un deal s’opère entre agents et vendeurs.
Selon un autre vendeur qui a préféré nous parler sous le sceau de l’anonymat, il suffit de gratifier les agents de quelques billets de banque pour qu’ils vous laissent opérer tranquillement le busines toute la journée. Et cela, soutient-il, n’est pas sans incidence sur les prix du « boudè ». Un bel compromis et le business reprend de plus belle.
« Boudè » et le « je t’aime, moi non plus »
En, effet, au Togo, plus de 50% des produits pétroliers commercialisés proviennent du secteur informel.
Dans un pays où plus de 60ù de la population vit avec moins de $1 par jour, et dont une masse importante de jeunes font du zémidjan (moto-taxi) leur principale source de revenue, il n’est donc pas étonnant que la quasi-totalité de cette masse préfère encore le boudè à l’essence raffiné.
Selon un Zémidjan, il est plus avantageux de se mettre au « boudè » que d’aller dans les stations d’essence. « Au moins quand on nous sert au bord de la route, avec un peu de vigilance, vous avez le produit servi dans les normes. Vous voulez 1 litre et vous êtes servis tel. Or, dans les stations d’essence vous n’avez aucune preuve si ce n’est que des chiffres qui défilent sur le tableau », s’est-il démerdé de nous expliquer et d’ajouter comme pour convaincre « Si vous prenez un litre à la pompe, la distance que vous faîtes est moins qu’avec le boudè »
Un autre zémidjan, témoin de l’entretien soutient lui aussi que le carburant à la pompe est très vite brûlé par les moteurs que le « boudè ».
En clair, c’est bien une histoire d’amour qui s’est installée mais en partie due à la précarité de vie des citoyens.
Mais une question reste encore sur le tapis. Que font les agents du « boudè » qu’ils ramassent ?
Maurice Agbossou / SC