Dans un monde où la place des femmes dans le secteur professionnel est toujours en question, deux jeunes femmes, Diane Ayele Folly et Djatougbe Rebecca Attiogbé, brisent les barrières et ouvrent la voie à une nouvelle génération de femmes dans des métiers traditionnellement dominés par les hommes. Le secteur de la manutention, souvent perçu comme physique et difficile, commence lentement à accueillir de plus en plus de femmes.

Ces deux jeunes femmes, accueillies dans l’établissement location équipement de levage (LEL Togo ), sont des témoignages une source d’inspiration pour toutes les jeunes filles et un appel à la société pour redéfinir les stéréotypes de genre dans les métiers techniques.

Djatougbe Rebecca Attiogbé : de la curiosité à la passion

À 22 ans, Mlle Attiogbé, conductrice d’engins lourds, notamment la grue, possède déjà 4 ans d’expérience. Elle raconte : « Avant de commencer dans ce domaine, je n’avais aucune idée de ce que cela impliquait. Mon père travaillait au port autonome de Lomé, et c’est lui qui m’a parlé de la conduite des machines. Il voyait des femmes travailler dans ce secteur et m’a encouragée à m’y intéresser. A la base, je voulais être styliste, mais il m’a convaincue que c’était un domaine plus prometteur. J’ai accepté, d’abord par curiosité, mais une fois que je me suis lancée, j’ai découvert que ce métier est vraiment passionnant. »

Le parcours de Rebecca Attiogbé commence avec un conseil paternel : se lancer dans un métier plus prometteur que celui de styliste. En se dirigeant vers la conduite d’engins lourds, elle découvre non seulement un domaine fascinant, mais aussi un environnement propice au développement de ses compétences et de son autonomie. Aujourd’hui, Rebecca est capable de conduire des grues mobiles allant de 16 à 35 tonnes, et elle se sent prête à manipuler des engins encore plus lourds si l’occasion se présente.

La passion face aux critiques

Comme tout autre travail, le chemin n’a pas été facile pour elle. « Quand j’ai commencé, il y avait beaucoup de défis. Il y avait d’abord les sexistes, ces hommes qui ne supportent pas de voir une femme évoluer dans ce domaine. Ils pensent que la place de la femme est à la maison, à s’occuper des enfants, et qu’on ne doit pas être dans des métiers techniques. Mais j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai persévéré », témoigne Mlle Attiogbé avec fierté.

Rebecca fait face à de nombreuses critiques, mais elle persiste. « Si tu n’as pas un mental fort, ils peuvent te décourager avec des insultes et des commentaires négatifs. Mais au fond de moi, je sais que ce travail me plaît et c’est ça qui me garde motivée », souligne-t-elle. Elle ajoute qu’il faut aussi se battre contre le regard des femmes elles-mêmes, qui, parfois, jugent ses choix professionnels. « Mais c’est à toi de savoir ce que tu veux faire. »

« On sait que les hommes sont des rois, mais les femmes aussi sont des reines qui peuvent travailler et s’offrir une meilleure vie », s’exclame Mlle Attiogbé qui pense que beaucoup de femmes aspirent à ce métier, mais elles ont peur du regard des autres. « Elles se disent que la société va mal les juger. Certaines croient que ce métier demande une force physique qu’elles n’ont pas. Mais je vais leur dire : ce n’est pas une question de force, c’est une question de persévérance, d’intelligence, et de stratégie », affirme-t-elle.

 

Rebecca dénonce également le manque de structures adaptées pour les femmes dans ce secteur, notamment l’absence de conditions de travail prenant en compte les spécificités féminines, comme les pauses pendant les menstruations ou l’absence de toilettes appropriées. Elle appelle à plus d’opportunités pour les femmes : « Certaines entreprises refusent d’employer des femmes, pensant qu’elles sont trop faibles. Mais au moins, donnez-leur une chance de montrer ce qu’elles peuvent faire avant de les rejeter. »

Pour finir, Rebecca Attiogbé adresse un message aux femmes et jeunes filles qui aspirent à entrer dans le monde de la manutention : « Si vous êtes intéressées par ce métier, n’écoutez pas ce que les autres disent. Ne laissez personne vous décourager. Vous pouvez réussir. Ne regardez pas les jugements, faites ce que vous voulez faire. Le monde évolue et il est grand temps que les femmes soient présentes dans des métiers comme ceux-ci. Si j’y suis arrivée, vous pouvez aussi y arriver. »

Diane Ayele Folly : Une détermination sans limite

Mlle Folly, âgée de 25 ans, excelle aussi dans la conduite de grue depuis 5 ans. « Quand j’étais en deuxième année à l’université, j’ai décidé de changer de direction. Je voulais faire quelque chose de concret, un métier qui paie bien et qui me permettrait d’être indépendante. Mon père m’a proposé différents métiers, mais c’est la manutention et la conduite de grue qui m’ont attirée. J’ai adoré l’idée, alors j’ai suivi une formation de 2 ans et j’ai obtenu mon permis. Une fois formée, j’ai commencé avec une grue de 20 tonnes et je conduis maintenant une grue de 25 tonnes », raconte-t-elle avec un sourire aux lèvres.

Diane, comme Rebecca, n’a pas hésité à sortir des sentiers battus. Elle a quitté l’université pour se lancer dans une formation qui allait changer sa vie. Aujourd’hui, elle est fière de son métier, qui lui permet de subvenir à ses besoins et de prendre soin de ses deux frères.

Déterminée face aux mauvais jugements

Le plus grand défi de Diane Folly a été que beaucoup de personnes ne croient pas en sa capacité à manipuler une grue. « Même certains patrons hésitent à me confier une machine, simplement parce que je suis une femme. Ils ont peur que je ne sois pas capable de soulever des charges lourdes, mais au fond, je sais que je peux faire tout ce qu’un homme fait », déplore-t-elle.

Elle décrit aussi les difficultés liées à la méfiance des clients. « Les clients doutent souvent de nous, et il faut leur prouver qu’on est capable. Mais parfois, je n’ai pas l’occasion de travailler avec la grue, parce que certains clients n’ont pas confiance. C’est frustrant, mais je persévère », confie Mlle Folly.

« Quand j’ai commencé ce métier, même les conducteurs de moto-taxis me regardaient bizarrement et me demandaient : Mais pourquoi tu fais ce travail ? Est-ce que c’est vraiment ce que tu veux faire, ou est-ce qu’on t’a forcée à le faire ? Ces questions m’ont beaucoup dérangée, mais elles m’ont aussi motivée à prouver que je peux faire ce travail », déplore-t-elle.

Pour les jeunes filles, Diane Folly les encourage à ne pas se laisser intimider. « Ce travail est difficile, mais il est bien payé et vous permet d’être indépendante. Ne laissez personne vous dire que vous ne pouvez pas réussir. Si ce métier vous passionne, foncez. Il y a énormément d’opportunités, surtout dans les zones portuaires et industrielles. Vous allez vous en sortir et, à la fin, vous serez fières de ce que vous avez accompli », a-t-elle lancé.

Des témoignages des collaborateurs

Selon Redmond Ayewou, patron de l’établissement LEL Togo, ces jeunes femmes se débrouillent bien. « Elles travaillent comme les garçons. Nous disons souvent que les filles sont des sexes faibles, mais ici, ça ne se sent pas. Quand tu les vois travailler, tu oublies qu’elles sont filles », a-t-il ajouté.

Pour Didier Kpeglo, un de leurs collaborateurs, travailler avec ces jeunes femmes motive à faire plus et à ne pas se laisser dominer. « Elles m’étonnent plus quand elles soulèvent des charges impossibles sans se plaindre. Tout le monde ici apprécie leur travail et leur compagnie. J’encourage les autres filles à se lancer dans ce domaine », a-t-il conclu.

Pourquoi plus de femmes dans la manutention ?

Le secteur de la manutention, surtout dans les zones portuaires, offre de nombreuses opportunités d’emploi. Il est crucial d’inclure plus de femmes pour enrichir ce domaine et y apporter plus de diversité. Il est essentiel de briser les stéréotypes, en incitant la société à cesser de considérer certains métiers comme étant réservés aux hommes. Les femmes sont tout aussi capables de conduire des engins lourds et d’occuper des postes techniques.

Pour permettre à davantage de femmes d’entrer dans ce secteur, des centres de formation doivent être ouverts et des programmes d’accompagnement doivent être mis en place pour faciliter leur insertion professionnelle.

Diane Ayele Folly et Rebecca Attiogbé sont des exemples vivants de femmes qui ont su se libérer des chaînes des stéréotypes et construire une carrière dans la manutention, un secteur où leur travail est aussi précieux qu’important. Leur parcours montre que, peu importe les obstacles, les femmes ont leur place dans les métiers dits « masculins ». C’est un appel à l’action pour les jeunes filles, les parents, mais aussi les entreprises. Il est temps d’ouvrir les portes et de créer un environnement propice à l’égalité des chances. Car les femmes aussi peuvent soulever des défis.

Voltic Togo