« Nous ne sommes pas Français mais nous parlons français et la politique de nos pays semble être dirigée par la France ». C’est l’un des nombreux commentaires qu’on entend de plus en plus dans les rues de plusieurs capitales africaines francophones. Il se dit que c’est la France, « la mère patrie » qui imposerait même les Chefs à la tête des territoires que les penseurs de la rue comparent allègrement aux provinces de France.
En réalité, les dénonciations portent généralement sur la Françafrique. Depuis la mort de certains ténors animateurs français et africains de ce concept, le débat sur la survie ou non de cette triste réalité continue. Mais ce qui peut intéresser l’opinion publique africaine ces derniers jours dans les rapports avec la métropole est cette mise à l’épreuve sans concession de la démocratie.
Tout se passe bien évidemment à Paris mais aussi dans les grandes villes de France. Tout se passe au siège du gouvernement mais aussi au parlement. Tout se passe enfin dans les médias et dans les rues. Il s’agit de la manifestation vivante de l’expression démocratique dans un pays très présent dans la vie de notre continent. A l’origine, il y avait un projet de loi portant le nom d’une ministre issue de la diversité El Khomri. Il y a depuis quelques jours, un vaste mouvement de soutien ou de contestation tous azimuts de l’initiative portant sur le travail. Sans chasse à l’homme et sans coups et blessures, le projet de loi poursuit son parcours. Curieusement, les contestations ont porté parfois les griffes des partisans de la majorité au pouvoir. En France, on les désigne juste par le vocable de « frondeurs ». Ce sont des hommes et des femmes, des députés et membres du Parti Socialiste qui disent ouvertement NON à une loi du gouvernement. N’est-ce pas la preuve de la liberté contenue dans la déclaration universelle des droits de l’homme ? Dans son article 19, cette Déclaration dit : « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit ».
En Afrique, les nouvelles majorités au pouvoir sont-elles des cadres par excellence de débat et d’expression démocratique ? Les parlements assurent-ils leur rôle de contrôle des actions du gouvernement ? Même s’ils sont colorés ne continuent-ils pas par briller par leur alignement automatique que par tout autre mécanisme devant assurer la démarcation entre les époques des partis uniques et l’ère de la démocratie ? Si des efforts sont faits dans certaines capitales africaines pour se conformer aux nouvelles exigences, les stigmates des années 70 et 80 continuent de hanter les esprits de nombreux acteurs publics. Il ne s’agit pas d’appeler à une fronde systématique mais d’implorer la conscience des décideurs et autres «élus » africains à donner une véritable chance à notre continent à entrer véritablement dans l’histoire de l’humanité.