Lors de l’ouverture de la Conférence de l’Union Africaine sur la dette à Lomé, le président du conseil togolais des ministres, Faure Gnassingbé a lancé un appel à tout le système financier international. Pour lui, il faut avoir le courage de financer la paix. Au-delà de la dette, il propose une vision africaine fondée sur la souveraineté, la solidarité et l’unité.
« Réunir les conditions d’un développement durable en Afrique ne peut se faire sans une refonte du regard porté sur la dette », c’est le message que le président du Conseil a martelé, dans un discours en appelant les partenaires internationaux à dépasser les logiques conservatrices qui étouffent les ambitions africaines.
« On ne peut pas exiger la paix sans nous permettre de la financer », a-t-il déclaré. Une phrase qui résume l’essentiel du dilemme auquel les pays africains font face : comment investir dans la sécurité, dans le climat ou dans l’éducation, quand le service de la dette dépasse parfois les budgets alloués à ces secteurs vitaux ?
A en croire Faure Gnassingbé, plus de 20 pays africains sont aujourd’hui en situation de détresse ou à risque de surendettement. Pourtant, poursuit-il, ces dettes ne sont pas le fruit d’une mauvaise gestion systémique, mais souvent d’un cadre international biaisé. Faure Gnassingbé dénonce une architecture financière mondiale conçue ailleurs, avec des critères obsolètes et déconnectés des réalités africaines. « Les cadres d’analyse actuels sous-estiment les recettes, surestiment les risques, et génèrent une spirale d’austérité préventive », critique-t-il.
La paix, un bien public global
Pour le président du conseil togolais, il est temps de considérer certaines dépenses, notamment sécuritaires, comme des biens publics globaux. « L’Afrique est en première ligne face au terrorisme, à la criminalité transfrontalière et aux effets du changement climatique. Si le continent doit assumer ces défis, il lui faut des moyens. Or, ces investissements, essentiels pour la paix et la stabilité régionales, sont encore trop souvent jugés “improductifs” dans les évaluations budgétaires des bailleurs », a-t-il laissé entendre.
« Financer l’Afrique, c’est investir dans la stabilité globale. L’inaction actuelle des puissances mondiales face aux besoins africains prépare les crises de demain à savoir migrations, famines et conflits climatiques. Financer la paix aujourd’hui, c’est prévenir ces bouleversements », insiste-t-il.
Une doctrine africaine de la dette
Au cœur de son plaidoyer, Faure Gnassingbé appelle à une nouvelle doctrine de la dette : non pas la voir comme un mal en soi, mais comme un levier de transformation s’il est bien utilisé. Il plaide pour une évaluation plus qualitative, intégrant la rentabilité sociale, la contribution au climat ou encore la diversification économique.
Mais au-delà des réformes extérieures, il appelle surtout à une ambition africaine collective. Car le véritable problème, selon lui, est aussi interne : un manque de coordination entre Etats africains. Une dette isolée, gérée pays par pays, est vouée à l’échec. Il propose alors une réponse commune, structurée autour d’institutions régionales fortes et d’un langage unifié sur la scène internationale.
Faure Gnassingbé y appelle à la lucidité, au courage et à l’unité à la conférence de Lomé. Il ne s’agit pas de quémander de l’aide, dit-il, mais d’affirmer le droit des peuples africains à investir dans leur avenir.