Le lundi 30 juin 2014, sur les 91 élus du peuple présents à l’assemblée nationale togolaise, 27 se sont prononcés en faveur du projet de loi introduit par le gouvernement, 63 étaient contre et 1 abstention. Les députés ont, ainsi, rejeté le projet de lois portant réformes constitutionnelles et institutionnelles. Le directeur exécutif du Collectif des associations contre l’impunité au Togo (CACIT) André Kangni Afanou, fait ses analyses à la rédaction d’Africa Rendez-Vous. Lisez plutôt.

Bonjour, quel regard portez-vous sur le rejet du projet de loi envoyé à l’Assemblée nationale par le gouvernement togolais ?

C’est avec beaucoup de peines, comme tous les citoyens d’ailleurs, que nous avons appris la nouvelle du rejet du projet de loi portant réformes constitutionnelles et institutionnelles. Nous sommes d’autant plus dans un regret important qu’après le manque de réussite du dialogue « Togotelecom » (dialogue entre le pouvoir et l’opposition ndlr), le gouvernement avait de façon insistante dit, que c’est à l’Assemblée nationale qu’il appartenait de faire les réformes. Plusieurs personnes dont moi étaient de ceux qui espéraient que ce projet de loi soit voté à l’Assemblée nationale pour que le gouvernement dise qu’il a fait les réformes sans la pression de l’opposition. On était encore content quand on a constaté que dans ce projet de lois, le gouvernement a pris en compte deux mesures essentielles qui sont attendues par les togolais et par la communauté internationale ; la limitation du mandat présidentiel qui est reconnu comme étant un principe à mettre en œuvre dans les États qui se veulent démocratiques, et de la proposition que le mode de scrutin soit à deux tours.

Dans la plupart des démocraties, le mode de scrutin est à deux tours pour l’élection du chef de l’État.

Le gouvernement a eu le mérite d’introduire ces deux propositions dans le projet de lois à adopter à l’Assemblée nationale. Et après, on nous annonce que ce projet n’est pas passé. Et j’ai été surpris d’entendre un des responsables du groupe parlementaire UNIR, déclarer que c’est l’opposition qui serait responsable de cet état de chose. On n’a pas été dans les secrets des dieux ou dans les couloirs de l’Assemblée nationale quand les débats se faisaient. Mais tout compte fait, la thèse que je défends est celle-ci, la limitation du mandat présidentiel et le mode de scrutin à deux tours ne sont pas des concessions que le gouvernement fait à l’opposition. Ces réformes, d’une façon plus générale, sont des recommandations de différentes instances de l’APG (Accord Politique Global), mais surtout de la CVJR (Commission Vérité Justice et Réconciliation) qui, après avoir visité notre passé à constater que s’il y a des violences, c’est qu’il y a une frange de la population qui n’a aucun espoir d’arriver au pouvoir un jour. Alors il fallait pour la paix sociale, créer des conditions pour que certains André Afanou Cacittogolais, qui ont eux aussi des propositions alternatives de gouvernance puissent avoir l’espoir d’arriver au pouvoir.Je pense que c’est vraiment dommage.

Dans les prochains jours, je pense qu’il faut craindre que l’environnement soit plus crispé.

En tant qu’acteur de la société civile, nous allons continuer à appeler les uns et les autres au dialogue.

Avec la situation que vous venez de décrire. Pensez-vous que les réformes sont toujours possibles ?

Dans le rapport de la CVJR, il a été clairement suggéré que des réformes soient mises en œuvre pour que le climat soit assaini. Le gouvernement lui-même est conscient que, quel que soit les investisseurs qu’il va appeler à venir dans ce pays, quel que soit les routes que qu’il va construire, quel que soit les emplois que qu’il va promettre aux jeunes, c’est dans un environnement politique décrispé que les investisseurs peuvent investir et que la richesse peut être créée. Aucun investisseur, quand il va voir le Bénin et le Ghana, sans risques majeurs ne choisira le Togo. Donc j’en appelle à nos concitoyens, pour qu’ils puissent continuer par interpeller le gouvernement sur les suites à donner ce qui semble être un premier échec. J’en appelle à ce que la majorité au pouvoir elle-même (UNIR ndlr) et de ses représentants à l’Assemblée nationale, parce qu’il nous a semblé que l’opposition elle, avait clairement appelé à voter pour ces réformes. J’invite le parti au pouvoir aussi à comprendre que, quand vous visitez l’histoire contemporaine de l’Afrique du Sud, du Rwanda, du Mali, de la Centrafrique, certains parce qu’ils sont au pouvoir, ont eu l’impression qu’ils peuvent y être ad vitae aeternam, et qu’ils peuvent se permettre de danser avec les lois.

Avec cette situation, le processus de réconciliation prend un coup dur. Que préconisez-vous dans cette situation ?

Malgré tout, il faut continuer par être positif parce que simplement, nous n’avons pas le choix. Aujourd’hui, quand vous voyez la situation au niveau de la sous-région et au niveau international, il n’y a aucun intérêt à créer une énième zone d’instabilité en Afrique de l’ouest. Notre pays s’est illustré à de nombreuses reprises en faisant des actions de médiations entre des Etats qui ne se comprenaient pas.

En réalité, ceux qui ont la majorité sont ceux qui sont entrain de conduire notre barque commune. Et nous sommes dans la barque, donc ils ne peuvent pas nous dire que nous n’avons pas le droit de leur demander des comptes sur la façon dont la barque est conduite. Nous en avons le droit. Ils ont le devoir de conduire la barque à bon port.

Malheureusement, il semble que jusqu’aujourd’hui, la barque n’est pas conduite comme il faut.

Avez-vous un message à l’endroit de la classe politique ?

Je voudrais en appeler à ce qu’au sein de l’opposition, ils soient aussi orientés par le souci de faire des compromis, pour qu’on n’arrive pas à une situation dans laquelle on dira que parmi les togolais, il y en a qui ont gagné contre d’autres.

Je ne sais pas si c’est oser mais si la concession à faire au parti UNIR, c’est de permettre que sur la question de la limitation de mandat, le chef actuel se présente, mais que les règles qui doivent régir le processus électoral soient claires et que la transparence existe, pourquoi ne pas le lui permettre ?

C’est vraiment cette invitation que je ferai à l’opposition. Au parti au pouvoir, je continuerai par réitérer le fait que depuis son accession à la magistrature suprême en 2005, le chef de l’État sait qu’il y a eu des togolais qui ont été meurtri à beaucoup d’occasions. Et je sais qu’il doit avoir pour soucis que toutes les meurtrissures puissent être guéries. C’est pour cela qu’il y a eu la CVJR. Et que la communauté internationale continue de maintenir la pression pour que les togolais puissent poser des actes positifs pour préserver la paix.

Interview réalisée par Mawulikplimi Affognon

Voltic Togo