L’Afrique juge l’Afrique, c’est le commentaire du ministre sénégalais de la justice en juillet dernier à l’ouverture du procès de l’ancien Président Tchadien Hissène Habré. L’Afrique vient de condamner l’Afrique pour crime contre l’humanité, crime de guerre et crime de génocide. La sentence a été prononcée à Dakar au Sénégal ce lundi 30 Mai 2016 par les Cours Africaines Extraordinaires.

Cette condamnation va rentrer dans l’histoire politique du continent comme un des faits majeurs distinctifs de l’Afrique de l’ère démocratique. 25 ans après l’avènement de cette ère, l’Afrique qui peine encore à cerner correctement le processus des changements politiques, lance un nouveau chantier. Continent des malheurs pour les observateurs, des maladies, des tripatouillages divers et autres génocides, le continent vient d’amorcer un nouvel élan vers plus de justice et d’équité. Peut-on pourtant conclure que plus jamais, les rapports entre les dirigeants politiques africains et leurs peuples ne seront plus les mêmes ? Initiative de l’Union Africaine et du Sénégal, les Cours Africaines Extraordinaires (une juridiction spéciale africaine) étaient perçues au départ comme une simple réponse aux défenseurs des droits de l’homme de part le monde trop bruyant sur la situation de l’ancien Président Tchadien à l’abris dans un pays africain après avoir martyrisé durant plusieurs années le peuple africain du Tchad.

Visiblement, le scénario n’est pas tiré des simples histoires de cinéma. En condamnant effectivement l’ancien dictateur africain et ancien bourreau à la prison à perpétuité, le continent envoie un message sans code à l’ensemble des ses fils et des filles que les règles du jeu sont en train de changer. Les temps des partis uniques et tous leurs cortèges de pratiques inhumaines et dégradantes sont en train d’appartenir bien au passé. L’impunité est en route pour rejoindre ses ancêtres. Il y a 30 ans, Hissene Habre incarnait la pluie et le beau temps au Tchad. Il détenait la clé de la vie et du séjour des morts.

Depuis l’année dernière, il s’est souvent caché derrière des lunettes noires qu’il aime porter à bout de bras comme un bébé malade au palais de justice de Dakar. Quelle triste fin ! C’est sans doute le jugement dernier, le jugement de la nature et l’histoire. Justement au chapitre de l’histoire, on peut désormais ranger les Cours Africaines Extraordinaires sur le registre des réponses aux détracteurs de la Cour Pénale Internationale. Et si ces cours africaines pouvaient dorénavant juger les africains sur le sol africain pour des crimes commis en Afrique sur des populations africaines ? Il s’agira à coup sûr d’une véritable avancée. On n’évoquera plus les deux poids deux mesures de la Cour Pénale Internationale. Mais dans les rangs des dirigeants politiques et militaires du continent, tout le monde est-il prêt à jouer le jeu de la transparence, de la coopération, de la justice et de l’équité? C’est là toute la difficulté. Les crispations autour des élections présidentielles, les tensions communautaires persistantes et les violations multiples des droits de l’homme sur le continent entretenues par des Seigneurs de guerres et des leaders politiques montrent que le chemin vers le paradis reste long et parsemé d’embûches. Dakar vient malgré tout, de faire un premier grand pas, un deuxième pas ne sera sans doute pas très loin. Il suffit aux Africains de continuer par croire car le temps de l’histoire n’appartient qu’à l’histoire seule.

Voltic Togo