Mogadiscio, la capitale politique de la Somalie semble faire un retour à la paix. Les activités journalières ont repris avec les populations qui vaquent plus ou mois librement à leurs occupations. Seulement, il faut aussi reconnaitre que c’est dans la douleur. Une visite sur le terrain est le constat est vite fait.

Après plus de deux décennies d’instabilité, le retour à la normale se fait de plus en plus progressif à Mogadiscio. Même si le pays n’est pas encore totalement sous le contrôle, la capitale retrouve à pas sûrs, sa tranquillité d’antan.

Un retour avec la peur au ventre

A l’aéroport Adam Abdul de Mogadiscio, c’est en moyenne 20 vols réguliers par jour avec de différentes compagnies privées et internationales dont Turkish Airlines. En journée, c’est l’embouteillage sur les principales artères ce qui n’était pas le cas jusqu’en 2011 (libération de Mogadiscio par l’AMISOM ndlr), les populations semblent vaquer librement à leurs différentes occupations. Au niveau de l’AMISOM, il est bien clair que c’est une page importante de l’histoire de la Somalie qui est en train d’être tournée. Même si l’on n’ose pas encore dire « État Somalien », le pays dispose d’un Président élu par des députés qui étaient eux aussi élus par des représentants locaux et des chefs des principaux clans et tributs.

Le Représentant spécial de la Présidente de la Commission de l’UA en Somalie, Mahamat Saleh Annadif s’en réjouit « Aujourd’hui, l’État est en train de renaitre, il faut s’en féliciter… Il y a de nouveaux bâtiments qui se mettent en place… Nombreux sont les Somaliens de la Diaspora qui commencent à revenir », confie-t-il avant de bien préciser que la peur existe malheureusement partout tout en relevant que cet état de fait n’est pas inhérent à la Somalie.

A en croire le porte-parole de l’AMISOM Eloi Yao, la vie a véritablement repris à Mogadiscio. « Il est aujourd’hui possible de sortir en ville à des heures tardives, ce qui n’était pas le cas avant ». Aussi, ne manque-t-il pas de relever que les Chebabs ont changé de stratégie, livrant une guerre asymétrique avec des attentats à la bombe pour occasionner d’importantes pertes en vie humaine dans les rangs des civils. Le commandant adjoint du contingent burundais Sosthène Ndereyimana assimile cette stratégie à une guérilla tout en soulignant que ces attentats deviennent encore moins réguliers avec une moyenne de 3 par mois.

La peur, elle est bien présente surtout que pour une visite au centre ville de Mogadiscio, les journalistes se sont parés de gilets pare-balles, sous escorte militaire dans des casses pires. Du côté de l’AMISOM, on soutient que c’est juste des mesures de précaution.

La peur réside aussi dans le fait qu’il est dénombré au moins 5000 agents du groupe Al Chabab (allié au groupe Al Quaida) qui ont de fortes potentialités de mobiliser de petits groupes, endoctriner les jeunes et les amener à faire des attentats.

Aujourd’hui, les populations de Mogadiscio sont plus ou moins unanimes à vouloir parler le langage de la paix. Pour Abdi M. Shuib, professeur d’histoire aujourd’hui volontaire de l’AMISOM, il faut bien aller de l’avant avec des programmes humanitaires à travers la construction des écoles pour assurer dit-il, l’avenir des jeunes. Pour lui, il ne faudrait pas non plus oublier des programmes de santé et de développement.

Les solutions africaines à des problèmes africains

Il aura fallu le 19 janvier 2007, pour que le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine décide enfin de l’envoi des troupes africaines en Somalie (AMISOM). Le mandat est bien clair : appuyer le gouvernement fédéral de la Somalie dans ses efforts de stabilisation de la situation, de dialogue et de réconciliation ; faciliter l’assistance humanitaire et créer des conditions pour la reconstruction du pays. De 17 731 hommes et femmes, la composante civilo-militaire passe désormais à 22.000 grâce à la dernière résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies.

Rappelons qu’en décembre 1992 une mission américaine de 50.000 hommes avec l’opération « restaurer l’espoir » s’est déployée en Somalie mais va rebrousser chemin en Mai 1993. Aujourd’hui, l’Ambassade des États Unis est rasé à Mogadiscio et transformé en logements.

La marche pénible mais irréversible de la Somalie est enclenchée. En revanche, le pays reste toujours divisé en trois avec la zone Putland dit modérée et le Somaliland qui se réclame indépendant. Selon certaines indiscrétions, l’année 2014 pourra être encore plus décisive pour « écraser le passage et balayer le chemin jusqu’à Kismayo ».

Le temps d’y voir clair, l’imposition de la paix en Somalie à travers l’AMISOM se fait sans chiffres. Les responsables de la mission, évitent au maximum de donner des chiffres. Même si l’ONU parle de 3000 morts, on préfère relativiser à l’AMISOM. « L’engagement de notre pays nous a couté de lourds tributs, ça nous a coûté cher et on en est fier », confie le patron du contingent burundais ( 4159 hommes et 120 femmes dans le secteur 1). « On en était conscient, on savait qu’on avait à interposer notre corps entre le feu et la population…aujourd’hui, on a gagné plus qu’on a perdu » se console, le Colonel Sosthène Ndereyimana.

A Mogadiscio, Sylvio Combey

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