Le député Targone Sambiri N’wakin est aux mains de la justice togolaise depuis le 08 Juin 2014 pour faits le concernant. L’élu de Dankpen clame toujours son innocence. Quelques jours avant sa mise aux arrêts il s’est confié à la rédaction d’Africa Rendez-vous. Il est revenu sur ce qu’il appelle « un montage grossier ». Lecture.

Votre immunité parlementaire a été levée. Ça doit vous perturber…

Je me sens plutôt serein. Je crois que mon immunité est levée, juste pour donner l’opportunité au procureur d’engager sa procédure.

Avez-vous eu des réactions de vos électeurs ?

Mais bien sûr ! J’ai eu des réactions. Seulement il faut les calmer. Ils pensent qu’on ne doit pas faire du mal à leur député. Ils savent aussi que leur député est innocent. D’ailleurs, ceux qui veulent prendre cette préfecture comme leur propriété privée pour en faire un fief le savent également.

Vous êtes plutôt accusés d’incitation au soulèvement, à la haine raciale, et à la désobéissance civique …

Je crois que c’est très grave d’accuser ainsi un élu de plus d’un tiers (1/3) d’une circonscription électorale. Il faut connaître la personnalité de Monsieur Targone pour comprendre que tout ce dont je suis accusé ne relève que de l’imagination. C’est un montage fabriqué dans un bureau. Depuis que j’ai été élu j’ai eu des menaces provenant des entourages du préfet et des militants d’UNIR (Union pour la République- parti au pouvoir- ex RPT) que je n’aurai pas la chance de siéger au parlement ou encore qu’ils allaient reprendre mon siège de député. D’autres vont jusqu’à insinuer que je serai contraint de vendre mon véhicule parce que j’ai déjà fait un prêt. Le tout se résume à me faire comprendre qu’on n’arrache pas un siège au parti UNIR.

Vous dîtes que c’est le parti au pouvoir UNIR qui est à la base ?

Je crois que c’est un complot. La logique demande que je donne aussi ma version des faits à l’Assemblée nationale. Malheureusement ça n’a pas été le cas. Quand on était à la commission spéciale, j’ai présenté les documents mais les points que j’ai évoqués n’ont pas été pris en compte.

Je suis avec mes collègues députes à l’Assemblée nationale, chaque jour on est ensemble, on sourit pourtant ils sont les cerveaux de ce montage. Je ne comprends pas qu’on puisse être se voir souvent, sourire, puis brusquement, à la surprise générale je vois un truc tomber comme ça je pense que le problème est ailleurs.

La présidentielle de 2015 se prépare déjà. Vous soutenez vous aussi que ces accusations sont à des fins électorales ?

Mais bien sûr ! C’est pourquoi je vous disais que le problème est ailleurs. Avec mes tournées, j’ai mobilisé toute la population, ils ont constaté que leur avenir électoral est maintenant incertain. Alors ils se sont dit si on ne brise pas Targone là on risque de ne rien avoir en 2015. C’est pourquoi ce scénario monté de toutes pièces.

(à droite)
(à droite)

Tous les cas qu’ils ont cités, je ne suis même pas concerné. Le cas d’homicide par exemple ça s’est passé en 2005 et mon parti (PDP – Parti démocratique panafricain) n’a été créé qu’en 2006. Et en plus c’est une situation entre un peulh et un Komkomba qui a dégénéré. Celui qui a tué son camarade a été emprisonné après un procès à la justice et dans cette procédure, personne n’a cité le nom de Targone, ni du PDP.

Je suis étonnée qu’on ramène les mêmes choses en 2014 pour incriminer quelqu’un. C’est là même que je trouve que c’est un peu abusif de prendre des exemples qu’on sait pertinemment faux pour m’inculper. C’est pourquoi ils n’ont pas voulu une enquête parlementaire, parce qu’ils savent que ce que je dis est vrai, et que ce qu’ils ont raconté est faux. Donc il ne faut pas permettre à l’honorable de parler, il risque de dévoiler la vérité. Donc on fait tout pour me faire taire.

Lors de la séance de levée de votre immunité, le président de l’Assemblée Nationale Drama Dramani a souligné que le règlement intérieur ne le prévoit pas.

Ce n’est pas aujourd’hui qu’il est à l’Assemblée Nationale. Il sait pourtant que quand on dit séance plénière il y a toujours eu un débat. Vous comprenez que c’était son intention de ne pas m’écouter.

Au Togo, nous avons l’impression que certains togolais sont plus intelligents que les lois elles-mêmes. Ce sont les règles qu’ils sont établies mais chacun veut tirer le pagne de son côté. Quand il y a un fait grave qu’on reproche à un élu. Les autres ont le droit de l’écouter avant de voter.

Aujourd’hui vous êtes un justiciable. Quelle suite vous allez lui donner ?

Je pense que l’affaire est devant le Procureur de la République, puisque c’est à son niveau que la plainte a été déposée. Maintenant je peux aller livrer ma version des faits qui me sont reprochés. Je suis quand même un élu. Et il va essayer de mener des enquêtes.

Dans la lettre que vous avez envoyée à la Commission chargée de la levée de votre immunité, vous accusez le préfet Maganawe entre autres, de faux et usage de faux. Qu’en est-il quelles sont ces malversations-là ?

J’avais demandé du temps à la commission pour leur fournir des preuves. C’est là je me suis rendu compte que le préfet a demandé au chef canton de Katchamba de lui envoyer son cachet pour apposer sur un document à envoyer à Lomé. J’ai appelé un autre chef du canton de Nakoy et qu’il est hors région et que son cachet se trouve à la préfecture

J’appelle au niveau de Nayoa c’est pareil alors que tous ceux-là ont signé le document. En cela on y voit un usage de faux.

Vous accusez le chef de Katchamba d’avoir enceinté une fille. Quel est le lien ? N’est-ce pas descendre trop bas ?

C’est ce qui est courant chez lui. Je ne voudrais pas le salir, mais seulement que le fait est relatif à quelque chose. Ce chef a enceinté l’une des petites sœurs d’un militant du PDP. Ce militant l’a menacé de le faire condamner sur la base de la loi du 3 mars. Alors il a fait emprisonner le militant avec la complicité du préfet à la prison civile de Bassar. Il a profité des différends entre les populations locales et des peulhs nomades pour accuser notre militant d’avoir brulé une cabane des peulhs dans laquelle se trouverait une somme de 200.000 FCFA. Dans ce problème, il a fait arrêter un innocent militant du PDP. C’est pendant notre conversation, qu’il me fait remarquer que les trois femmes du chef, c’est sur les bancs qu’il les a enceintées.

Il y a aussi des choses terribles qui se passent dans le Dankpen avec le préfet Dadja Maganawe. Ce n’est pas que je lui en veux. On dit que j’appelle à la désobéissance civile. Vous voyez obliger des gens à manger des excréments de bœufs, quel respect vous voulez que ces gens aient pour vous ? Au 21ème siècle c’est inhumain, vous ne pouvez pas attendre de cette population du respect.

Vous avez des mots à placer pour conclure cet entretien ?

Je voudrais dire que le peuple togolais doit apprendre à vivre ensemble et surtout que nous construisons ce pays. Nous avons besoin qu’on nous aide mais quand l’extérieur regarde notre pays et voit qu’on est en train de briser le droit des individus, et les investisseurs voient cela, il serait difficile qu’ils investissent.

Je pense que nous devons revenir à la raison. L’intérêt personnel d’accord, mais, c’est l’intérêt général qui doit prédominer.

En tout cas, moi je n’ai pas peur de quoi que ce soit. Je suis serein et je voudrais que tout aille dans le bon sens. Ceux qui me connaissent savent que moi je ne suis pas capable d’égorger une poule pour manger parce que ça fait pitié.

Interview réalisée pour Africa Rendez-vous par Mawulikplimi Affognon le 06 Juin 2014
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