Les togolais éliront leur futur président le 25 avril prochain. Après la révision des listes électorales, une mission de la francophonie a séjourné au Togo et a procédé à la vérification du fichier électoral. Le rapport de cette mission a été présenté à la presse le 08 avril dernier. Africa rendez-vous, vous propose l’intégralité dudit rapport.

Rapport de synthèse des travaux

Comité de vérification et de consolidation du fichier électoral 2015 du Togo

 

  1. RAPPEL DU CONTEXTE DE LA MISSION
  2. Par lettre n° 056/MATDCL/CAB du 05 mars 2015, Monsieur Gilbert BAWARA, Ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales a exprimé le souhait du Gouvernement togolais de bénéficier de l’expertise de la Francophonie pour assister la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) du Togo en vue de la consolidation du fichier électoral pour l’élection présidentielle d’avril 2015. Pour le Ministre, «le travail de l’expert consistera à assister la CENI dans le travail d’identification d’éventuelles anomalies et à aider à la recherche des solutions appropriées pour y remédier »,
  3. En réponse à cette requête, Monsieur Clément DUHAIME, Administrateur de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), ;a adressé à Monsieur Gilbert BAWARA, la correspondance référencée ADM/DDHDP/CG/GNN/CZ/RmJ/20150306-010, du 06 mars 2015, pour annoncer l’arrivée à Lomé, dans les jours suivants, d’une mission d’experts, ainsi composée:

– Général Siaka SANGARE, Délégué général aux Elections du Mali, Président du Réseau des compétences électorales francophones (RECEF), ancien Président de la Commission électorale nationale indépendante de la République de Guinée;

– Madame Karine SAHLI-MAJIRA, démographe;

– Monsieur Honoré DEMBELE, Ingénieur informaticien, spécialiste des listes électorales biométriques.

  1. Tout en marquant son accord sur le mandat de la mission, proposé par le Ministre Gilbert BAWARA, l’Administrateur de l’OIF a insisté sur la démarche inclusive dans laquelle s’inscrit cette mission dont les membres devront travailler avec des experts issus à la fois de la majorité, de l’opposition et de la CENI. Cette démarche inclusive est pour l’Administrateur de l’OIF « une condition importante pour le succès de la mission », Sur la base de ces échanges, les parties ont convenu des termes de référence du cadre d’exécution de la mission.
  2. Cette mission conduite par l’Organisation internationale de la Francophonie s’est déroulée du 14 mars au 8 avril 2015 à Lomé.
  3. Ainsi à la demande de l’OIF, un Comité de consolidation et de vérification du fichier électoral a été mis en place le 27 mars 2015. Ce comité, présidé par le Président de la CENI, est constitué des représentants des cinq candidats à la Présidentielle de 2015, de deux membres de la CENI, de l’opérateur technique en charge de la gestion technique du fichier électoral et des experts de l’OIF (voir liste nominative page 10).
  4. Ce comité a été un lieu d’échanges afin que les principales parties prenantes au prochain scrutin électoral puissent présenter leurs doutes ou interrogations sur le fichier électoral et participer aux travaux de consolidation et de vérification du fichier électoral.

Il.  METHODOLOGIE

  1. L’approche retenue s’est appuyée sur l’analyse de la base de données électorale de 2015, celle de 2013, et sur des données statistiques issues du 4ème RGPH 1 (2010).
  2. la revue de la chaîne de révision des listes électorales a été approchée uniquement par les procédures techniques mises en vigueur pour l’opération (et non par la qualité de son déploiement sur le terrain ou la qualité de la sensibilisation de la population, ni même par l’encadrement légal de l’opération). Un essai d’enregistrement d’électeurs a été réalisé en salle, en présence de l’ensemble des membres du comité.

III. LIMITES DES TRAVAUX

  • Aucune analyse du code électoral n’a été menée, ni les incidences du code sur le processus de gestion des listes électorales.
  • Aucun contrôle des procédures d’autorisation d’utilisation des kits sur le terrain, et notamment de la chaine de configuration n’a été réalisé (faute de documentation disponible auprès de la CENI).
  • Aucun contrôle de la qualité de la saisie par rapport aux formulaires d’inscription individuels remplis sur le terrain.
  • Aucun contrôle sur les kits déplacés pour enregistrer des personnes en dehors des centres d’enregistrement prévus et autorisés par la CENI.
  • Contrôle partiel de l’affectation des électeurs par CRY, faute de concordance entre les numéros de carte d’électeurs et les numéros de Centre de vote dans certains cas.
  • Aucun contrôle sur la chaine de validation d’une inscription, et notamment quand un autre doigt que l’index est présenté, ou qu’aucune empreinte n’est de qualité suffisante.
  • Pas de test direct sur la performance du matcher, mais tests par confrontation indirecte: recherche die cas d’inscriptions multiples, et comparaison visuelle des photographies.

Contraintes de temps liées au calendrier électoral.

  1. SYNTHESE ET PORTEE DES TRAVAUX
  2. les membres du Comité de consolidation et de vérification ont pu mener leurs travaux en toute indépendance.
  3. L’ensemble des interrogations portées à l’attention du comité ont été traitées.
  4. L’essentiel des travaux de la mission a été consacré à l’analyse du fichier électoral informatisé: fichier comportant les empreintes digitales (des deux index et à défaut tout autre doigt), la photographie du visage, des données alphanumériques portant sur l’état civil, l’adresse de résidence, la date d’enrôlement, la profession, le numéro de téléphone, le numéro de carte d’électeur, le type de justificatif présenté pour l’enregistrement, la nature de l’inscription » des citoyens.
  5. Après avoir listé les cas d’anomalies possibles du fichier électoral, des investigations ont été menées et des constats établis: les anomalies sur les numéros de carte, les inscriptions multiples, les erreurs d’orthographe des noms, prénoms, profession, ou encore sur les champs non codés, la complétude des enregistrements pour les inscrits. Les investigations menées ont consisté à formuler et à exécuter des requêtes destinées à faire ressortir les anomalies du fichier électoral, et à établir des statistiques.
  6. Une attention particulière a été portée sur les électeurs sans empreinte digitale ou avec empreintes non-exploitables, les électeurs sans photographie ou avec photographie non-exploitable, la détection de mineurs ou d’étrangers sur le fichier électoral.
  7. D’autre part, la création de centres de recensement et de vote (CRV) pendant la période de révision a conduit à s’interroger sur le rattachement des électeurs à leur CRV, et à vérifier les erreurs sur les nom ou/et code de CRV.
  8. Les statistiques relatives à la structure par sexe et âge de la population ont été comparées aux données issues du 4ème recensement général de la population (RGPH 2010), et ont donné lieu au tracé de pyramides des âges. La superposition des pyramides des âges a permis de porter l’attention sur la cohérence des effectifs globaux, identifiant de possibles sur-inscriptions (voir graphiques – pyramides des âges).
  9. lorsque des inscriptions multiples se sont avérées confirmées, il a été demandé à l’opérateur technique que l’inscription la plus récente soit conservée, et de supprimer l’inscription la plus ancienne, conformément à l’article 61 du code électoral.

L’isolement d’un sous-groupe inscrit plusieurs fois a permis d’établir quelques contacts :

  • Lorsqu’une personne se présente devant un kit d’enregistrement pour se faire établir une carte d’électeur (quelle qu’en soit la raison), un nouvel enregistrement est effectué dans la base de données.
  • Lorsqu’une personne est authentifiée sur le kit, le lien établi par le kit entre l’ancienne et la nouvelle inscription n’est pas systématiquement conservé. Aussi, des personnes revenues en «mode révision» peuvent se retrouver inscrites deux fois: leur inscription antérieure n’ayant pu être systématiquement supprimée. De fait, le mode opératoire introduit et conserve des «doublons» que le système n’est pas toujours à même de supprimer par la suite au niveau central.
  • Les informations mises à la disposition du Comité n’ont pas permis de saisir les raisons techniques de la présence d’inscriptions multiples après traitement ABIS et alphanumérique: la recherche sur les données alphanumériques a permis de déceler des cas, mais les travaux menés sur les différents critères qualifiant soit la qualité des photographies soit la qualité des empreintes n’ont été concluants.
  1. La recherche d’inscriptions multiples sur le fichier électoral de 2013, a porté sur les champs disponibles sur les listes électorales (soit le nom, prénom, nom du père, nom de la mère, genre et âge de l’électeur) et 4316 enregistrements ont été remontés, représentant au plus 2 158 doublons.
  2. Parmi les anomalies pouvant affecter la recherche des inscriptions multiples et donc la qualité du fichier électoral, notons la présence de caractères spéciaux » dans les noms ou prénoms dans environ 30 000 cas. Les enregistrements ont été maintenus en l’état dans le fichier.
  3. Le nombre élevé de personnes inscrites par témoignage sur le fichier électoral (2643397, soit plus de 75%), induit une incapacité de vérification formelle de l’identité des personnes, ainsi que de leur âge et de leur nationalité. Ceci peut constituer une source d’enregistrement indu pouvant affecter l’exactitude des données collectées. Dans 873 cas, le justificatif d’inscription n’a pas été renseigné, il est recommandé que ce champ soit rendu obligatoire dans le logiciel.
  4. L’absence de rattachement des CRV à des Régions, Préfectures etc., et les erreurs sur leurs codes d’identification ont été corrigées. Ces corrections ont permis d’affecter chaque électeur à un et un seul CRV, puis à un et un seul Bureau de Vote (BV) dans le fichier définitif.
  5. L’analyse des cas de numéros de cartes d’électeur dupliqués (24503) a permis de constater que ces cartes appartiennent à des électeurs différents et ne constituent pas des doublons d’inscription dans le fichier électoral.
  6. L’évolution du fichier électoral de 2013 à 2015, a consisté en : l’inscription des nouveaux majeurs et des majeurs non-inscrits en 2013, la radiation des décédés et l’actualisation des données relatives aux électeurs inscrits en 2013 (changement de résidence et correction).
  7. Les électeurs venus pour changer de centre de vote, ou pour des corrections sur leurs données d’état civil ou de résidence, ou encore pour obtenir un duplicata de leur carte d’électeur (pour raison de perte) se sont vus délivrer une nouvelle carte d’électeur avec un nouveau numéro de carte. Il en est de même pour les électeurs venus pour une combinaison de ces opérations.
  8. Dans 291907 cas, les numéros die carte d’électeur diffèrent des numéros de CRV auxquels les électeurs sont affectés pour le scrutin. Parmi ceux-ci, 30827 cas (11%) sont de l’année 2015, et tous les autres datent de 2013. Ces cas sont dus soit à des demandes de transfert d’électeurs datant de 2013, soit à des désengorgements de centres de vote en 2015.
  9. Suite à la correction des anomalies, le nombre d’électeurs est définitivement arrêté à 3509258, répartis entre 4112 Centres de vote et 8994 BV (voir tableau ci-après).
  1. BILAN DE L’APPUI DU COMITE DE CONSOLIDATION AU PROCESSUS
  2. Plus de 400 requêtes ont été exécutées dans le cadre de la vérification du fichier électoral.
  3. L’évolution numérique du fichier électoral a été la suivante:

– 3529781 inscrits sur les listes électorales provisoires;

– 3517377 inscrits sur le fichier électoral après traitement des enregistrements multiples, des contentieux (radiation des décédés compris) et des procès-verbaux visés par les CEU;

– 3509258 inscrits sur les listes électorales définitives après travaux du comité de consolidation et de vérification.

  1. Dans le cadre de la recherche des inscriptions multiples, 8119 inscriptions ont été identifiées comme des doublons et supprimées.
  2. Sur la base de ses conclusions, le Comité a formulé des recommandations dont la mise en œuvre est prévue à très court terme (avant le prochain scrutin électoral), à moyen terme (dès la fin des échéances de 2015) et à plus long terme [autres recommandations).
  3. Suite aux discussions sur les recommandations, les parties prenantes les ont validées; il conviendra de créer une structure inclusive et consensuelle de suivi pour la mise en œuvre des recommandations du Comité de consolidation et de vérification du fichier électoral.
  4. RECOMMANDATIONS

Recommandations immédiates

  1. Pour les personnes ayant obtenu unie nouvelle carte en 20154, il est nécessaire que le numéro de leur carte 2013 soit invalidé en informant leur ancien Centre de vote par la production d’une liste des numéros de cartes invalidées. Cela permettra d’éviter que les électeurs concernés, ne puissent se prévaloir d’une inscription dans leur ancien centre de vote. Cette mesure a été renforcée par l’interdiction du vote des omis.
  2. Concernant les cas de « Transfert », une mention « T» est portée sur les listes électorales à côté du numéro d’électeur. Pour ces cas, il est recommandé que l’électeur soit autorisé à voter avec sa carte de 2013.
  3. La CENI doit disposer d’une copie intégrale déchiffrée (non cryptée) de la base de données (données alphanumériques et biométriques).

Recommandations avant la prochaine révision électorale

  1. Distinguer le champ NOM du champ PRENOM pour les père et mère, sur le formulaire d’inscription, pour assurer une saisie adéquate.
  2. Toutes les informations relatives à la filiation doivent être inscrites sur la carte d’électeur, et non limitées aux noms des père et mère.
  3. Pour préserver l’actualité du fichier par la radiation des décédés, il est nécessaire de créer des liens efficaces et efficients entre les services de l’état civil et les services de la CENI.
  4. La mise à jour du fichier électoral ne doit donner lieu à la création systématique d’un nouvel enregistrement dans la base de données que lorsqu’il s’agit d’une nouvelle inscription. Le pendant à cette recommandation est d’assurer une recherche et une authentification sur le terrain de toute personne venant en révision sur l’ensemble de la base de données existante, et non sur un sous-ensemble. Il est nécessaire que le mode opératoire sur le terrain soit strictement appliqué, et que les liens établis par l’opérateur sur le kit soient conservés.
  5. Il faudrait que pour chaque personne un identifiant unique soit basé sur des données qui ne changent jamais, telles que: sexe, date de naissance, lieu de naissance, et un index, et une clé de contrôle.
  6. La CENI doit s’approprier la technologie de gestion des fichiers biométriques.
  7. Il est nécessaire de créer les conditions légales permettant à la CENI de se professionnaliser dans la gestion électorale dans toutes ses dimensions.
  8. Le code électoral doit être modifié pour tenir compte de l’introduction de l’informatique et de la biométrie dans le processus de gestion des listes électorales.

Autres recommandations

  1. Il est nécessaire de légiférer sur la protection des données personnelles.
  2. Il est impératif de moderniser l’état civil, et que l’inscription sur les listes électorales soit basée exclusivement sur la présentation d’une pièce d’identité nationale.

Fait, à Lomé le 7 avril 2015

 Photo: Général Siaka Sangaré, chef de la mission

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