Récit… L’histoire que nous rapportons ici remonte au mois de juin dernier.  Nous sommes le 13 juin 2013, dans un petit village dans l’ouest du Mali dont nous gardons le nom dans l’anonymat.

Kissiman, la quarantaine, comptait, à son actif, 10 ans de vie d’enseignant. Il était à son troisième poste et dans ce village, il était dans sa 2ème année. Cette fois, en qualité de directeur d’école. A son palmarès familial, une femme et deux enfants. C’est désormais un adulte, un homme aguerri, aux épaules solides capable de supporter bien de fardeaux. Et son fardeau, un lourd fardeau, il ne tardera pas à en avoir. Un oncle à son épouse va lui confier deux de ses filles, Ramatou (son enfant) et Leila (sa fille adoptive).

Les deux adolescentes, des victimes d’un système scolaire au rabais, vont devoir affronter une troisième fois la classe de terminale, dans l’espoir de décrocher enfin le fameux Certificat de Fin d’Etudes du Premier Degré. Qui sait si elles sont destinées à un bel avenir ? Kissiman de prendre l’engagement de faire de son mieux pour façonner les deux jeunes fillettes. Le père de Ramatou et Leila d’autoriser l’époux de sa nièce à faire usage de tout pour arriver à un bel résultat.  »

Ce sont tes sœurs, je donne tous les droits sur elles « , avait-il dit en substance. Et la mère des deux adolescentes d’ajouter :  » ce sont aussi tes épouses « , autrement les sœurs de son épouse. Ces propos sont bien rentrés dans les oreilles de Kissiman et n’en sont jamais ressortis. Mais ils vont résonner autrement dans la tête du  » mangeur de craie « . La famille agrandie de Kissiman quitte Bamako et débarque au village. Une nouvelle année laborieuse les attend. En attendant la rentrée, les deux jeunes filles se sont déjà mises à l’œuvre. Mais faut-il être un enseignant chevronné ou à la limite un magicien pour rattraper en une année, tous les retards scolaires cumulés par Ramatou et Leila. Kissiman de mesurer le travail titanesque qui l’attend. Pas de répit pour les deux adolescentes. Toutes les nuits, elles sont en classe pour la révision. Et elles ne rentrent à la maison qu’après avoir traité le minimum d’exercices.

Jusque là, Kissiman semble être sur son engagement. Rendez vous au bout de quelques jours pour recueillir les résultats. En juin, le bilan est là : la catastrophe !!! Tenez vous bien, les deux adolescentes sont enceintes. L’école ne peut plus compter sur elles. Les deux filles sont renvoyées à la maison, dans leur famille du quartier Sénou  de Bamako. C’est dur pour elles et pour leurs parents. Mais le plus dur est encore à venir. Car le pyromane qui a mis le feu dans les deux ventres n’est personne d’autre que Kissiman.

Il avait joué au mari de deux cousines de son épouse plutôt que de se mettre dans la peau du frère. Comment cela est-il arrivé. Selon les deux jeunes filles, tout se passait la nuit à l’école. Quand l’une traitait ses exercices dans leur classe, il s’exerçait sur l’autre dans le hangar qui servait de salle de cours, à tour de rôle. Les deux filles n’en ont jamais parlé à leur tutrice de peur d’attirer le courroux de leur maitre. Ramatou, à 15 ans et Leila, à 14 ans sont donc appelées à affronter l’expérience amère de mère sans mari, sans travail et sans revenu. Et le responsable dans tout cela ?  » Je laisse tout entre les mains de Dieu « , a dit le père des deux adolescentes. Voilà que l’affaire est étouffée dans la famille. Chez nous ça s’appelle un arrangement. Et on le conclut généralement quand le mal se produit.

Au moment où nous écrivons ces lignes Kissiman aurait tout abandonné et se trouverait quelque part dans un pays côtier. Quant à Leila, elle a trouvé un époux et se trouve quelque part au Nord. Ramatou qui nous a rapporté les faits est présentement  ici à Bamako et mène une vie des plus misérables, partagée chaque jour par les  » vampires  » de la capitale.

Source: Marichesse

Illustration: lapresse

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