Un enfant malnutri sous surveillance au CHU Sylvanus Olympio

La mortalité infantile demeure un défi majeur de santé publique à l’échelle mondiale. Bien que des progrès significatifs aient été réalisés au cours des deux dernières décennies, la situation reste catastrophique pour des millions d’enfants, en particulier ceux vivant en Afrique subsaharienne. Un rapport publié le mardi 25 mars 2025, par le Groupe interorganisations des Nations Unies pour l’estimation de la mortalité juvénile révèle une réalité cruelle : les enfants nés en Afrique subsaharienne ont, en moyenne, 18 fois plus de chances de mourir avant l’âge de 5 ans que leurs pairs nés en Australie ou en Nouvelle-Zélande.

Ces chiffres soulignent des inégalités systémiques enracinées et appellent à un engagement renouvelé pour protéger les vies des plus vulnérables.

Des progrès historiques, mais un ralentissement inquiétant

Depuis l’an 2000, le nombre de décès d’enfants de moins de 5 ans a été divisé par plus de 2, grâce à des investissements mondiaux dans des interventions éprouvées telles que les vaccins, la nutrition, et l’accès à l’eau potable. En 2022, pour la première fois, le monde a franchi la barre des 5 millions de décès d’enfants par an. Cependant, ces progrès sont aujourd’hui fragiles. La réduction des financements internationaux, en particulier les coupes budgétaires des principaux donateurs, menace de mettre en péril des décennies d’avancées dans la survie des enfants. Le rapport met en garde contre les effets dévastateurs de ces réductions, notamment la fermeture de services de santé, la pénurie d’agents de santé et les ruptures dans les programmes de vaccination.

Catherine Russell, Directrice générale de l’UNICEF, avertit : « Si l’on peut se féliciter d’avoir atteint un niveau historiquement bas concernant les décès évitables d’enfants, sans les bonnes décisions stratégiques ni les investissements adéquats, nous risquons toutefois d’assister à l’anéantissement des résultats obtenus au prix d’efforts considérables. » Cette tendance pourrait avoir des conséquences dramatiques, exposant à la fois les enfants et leurs communautés à des souffrances évitables.

Les causes évitables et les défis de la naissance prématurée

Près de la moitié des décès d’enfants avant l’âge de 5 ans surviennent dans le premier mois de vie, souvent à cause de la prématurité ou de complications pendant l’accouchement. Après cette période néonatale, les principales causes de mortalité évitable sont des maladies infectieuses telles que la pneumonie, la diarrhée et le paludisme. Les efforts de prévention et de traitement restent insuffisants dans de nombreuses régions, et l’accès à des soins de santé de qualité est inégalement réparti.

Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), la lutte contre le paludisme, la prévention des mortinaissances, et l’amélioration de la prise en charge des nouveau-nés fragiles sont des domaines clés où des interventions efficaces peuvent sauver des millions de vies.

En outre, bien que des progrès aient été réalisés dans la réduction des taux de mortinaissances, avec une diminution notable dans certaines régions, près de 80 % des mortinaissances continuent de se produire en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud, où les femmes sont 6 à 8 fois plus susceptibles d’en être victimes que celles vivant en Europe ou en Amérique du Nord. Cette inégalité d’accès aux soins obstétricaux de qualité est l’une des causes fondamentales de cette tragédie évitable.

Disparités géographiques et socio-économiques : une question d’équité

Le lieu de naissance reste un facteur déterminant de la survie infantile. Dans les pays à faible revenu, le taux de mortalité avant l’âge de 5 ans est 80 fois plus élevé que dans les pays où les systèmes de santé sont les plus développés. Les enfants vivant dans les zones rurales ou dans les foyers les plus pauvres courent un risque accru, tout comme ceux dont les mères sont moins instruites. Ce constat souligne l’importance de l’éducation, de l’infrastructure sanitaire, et des politiques de réduction de la pauvreté pour lutter contre la mortalité infantile.

Les défis sont également notables en matière de santé maternelle, car une bonne santé des mères est directement liée à celle des enfants. La fourniture de soins prénatals et postnatals de qualité, l’accès à des vaccins, et des interventions nutritionnelles appropriées sont des éléments essentiels pour protéger à la fois les mères et les enfants. Dans des pays comme la République Démocratique du Congo, le Nigeria et l’Inde, l’amélioration de l’accès aux soins de santé pourrait transformer les perspectives de vie de millions d’enfants et contribuer à un développement économique durable à long terme.

L’appel à l’action

Le rapport appelle les gouvernements, les donateurs et les partenaires à renforcer leur soutien aux programmes de santé de la mère et de l’enfant. Les défis sont nombreux, mais les solutions existent. Une approche intégrée des services de santé, associée à des investissements dans l’éducation, l’accès à l’eau potable et à l’assainissement, pourrait permettre de sauver des millions de vies supplémentaires. Mais pour cela, une volonté politique forte et un financement continu sont indispensables.

Juan Pablo Uribe, Directeur mondial de la Banque mondiale pour la santé, souligne que « l’investissement dans la santé des enfants est un investissement pour l’avenir économique ». En effet, chaque vie sauvée aujourd’hui est une promesse pour demain : celle de futurs adultes en meilleure santé, mieux éduqués, et prêts à contribuer à la société.

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