Le carrefour Adakpamé, désormais goudronné _ Africa rendez-vous

Pendant les périodes d’intempéries, les populations de la zone d’Adakpamé, Kagomé, Bè Kpta sont souvent dans la désolation. Les effets sont souvent délogés des chambres par la force de l’eau, les maisons se retrouvent inondées, difficiles d’accès. Depuis quelques semaines, la zone semble sortir la tête de l’eau. Et pour cause, la réalisation de certains travaux d’aménagement.

L’un des quartiers de la banlieue-Est de la capitale souvent sévèrement touché pendant les périodes de pluie est celui d’Adakpamé. Le quartier renvoyait des images pas trop gaies, il était devenu tristement célèbre.

Des pirogues comme moyen de déplacement

Il y a encore quelques mois, c’était la croix et la bannière pour les populations d’Adakpamé de sortir de chez elles pour se rendre au boulot, à l’école ou encore vaquer librement à leurs activités. Les eaux de pluie y dictaient leur loi. Le niveau avait monté où les puits étaient souvent confondus à l’eau de même que les sanitaires. Et pour se déplacer, la pirogue et les pousse-pousse étaient devenus les nouvelles modes de déplacement pour ceux qui préfèrent rester chez eux ou sans moyens pour déménager.

Une image d'inondation à Adakpamé
Une image d’inondation à Adakpamé

Encore que les pirogues ou pousse-pousse ne mènent pas jusque devant le portail des « passagers ». Arrivés à des points de chute, généralement, terre pleine, il faudra poursuivre avec le calvaire pour ceux qui habitent encore plus loin. Ils s’en remettent à des parpaings de pierres, savamment posées et entreposées sur lesquelles il faille faire de petits trots. Une ambiance qui a rythmé le quotidien des populations d’ « Ada », comme elles aiment l’appeler.

Et quand Adakpamé est enrhumé, c’est Kagomé, Kagni-Kopé, Adamavo et Bè-Kpota qui toussent tant il fait le pont entre ceux-ci.

Les quelques rares téméraires conducteurs de taxi qui faisaient encore le tronçon Adakpamé-Bè Kpota, ont fait augmenter les frais de transport de 200 à 250 Francs CFA. « C’était le calvaire », se souvient encore le chauffeur Robert Amedee.

« Chaque semaine, il fallait aller chez le mécanicien pour des pannes. Et pour nous permettre aussi d’arrondir les dépenses, il fallait prendre plus de passagers que le nombre réglementaire autorisé », va-t-il ajouter, avant de poursuivre avec ses traditionnels cris « Ada-Kpota, Ada-Kpota ».

Le quartier Adakpamé au temps fort des inondations (Crédit photo Adakpame)
Le quartier Adakpamé au temps fort des inondations (Crédit photo Adakpame)

Un autre va renchérir que ce n’était pas leur faute et que d’ailleurs certains les suppliaient de « poser ne serait-ce que leurs fesses dans le capot arrière ».

D’une vingtaine de minutes pour rallier la gare de fortune de Bè-Kpota communément appelée « Yessouvito », le temps de trajet a doublé. Il fallait soit rivaliser avec les étangs d’eau, soit les contourner.

Depuis quelques semaines, c’est un léger mieux, la situation semble être renversée. Une visite d’une mission de la Banque mondiale dans le quartier aura été l’élément déclencheur même du Projet. La mission a promis aux femmes de les sortir de l’eau. Et, cela va profiter à tous.

Adakpamé reprend vie

Le boulevard Malakfassa prolongé à Adakpamé
Le boulevard Malakfassa prolongé à Adakpamé

Le gouvernement togolais, dans le cadre de son Projet d’urgence de réhabilitation des infrastructures et des services électriques (PURISE), a pris en compte le quartier Adakpamé. Le quartier a donc bénéficié d’une panoplie de travaux notamment, l’assainissement et le drainage de voies secondaires à Adakpamé et quartiers environnants tels Akodessewa Kponou et Kagni-Kopé

Deux collecteurs enterrés ont été construits et permettent désormais de drainer l’eau de pluie jusqu’au fleuve Zio. Des caniveaux ont été construits pour faciliter le conduit d’eau dans les collecteurs. De même, le boulevard Malfakassa a été aménagé et bitumé sur au moins une distance de 2700 mètres linéaire, y compris la seconde chaussée de Bè-Kpota.

Le développement de la voie dit-on souvent, est la voie du développement. Et comme on pouvait s’y attendre, les travaux de Purise ont changé le visage d’Adakpamé. Boutiques, ateliers et magasins de vente ont commencé par pousser comme de petits champignons. Des maisons qui étaient, autrefois, transformées en marécage et nid de reptiles refont peau neuve.

Et pourtant, ça n’a pas été facile. « Malgré la sensibilisation qui a eu lieu avant et pendant l’exécution des travaux, des riverains étaient réticents et disaient avoir trouvé trop long le délai d’exécution pour leurs activités mais en fin de comptes, tout le monde était satisfait », confie Anani Victor Djogbessi, Ingénieur de travaux, assistant technique au Ministère de l’Urbanisme.

« J’avoue qu’il y a un léger mieux comparativement aux années antérieures », s’est réjoui, Doh-no, la quinquagénaire, revendeuse de poules. Le chiffre d’affaires a-t-il augmenté ? Elle a préféré y répondre par un sourire aux coins des lèvres.

Des grincements de dents…

Annoncée être construite sur une distance plus longue (encore environ 1 km) jusqu’à l’Eglise Catholique Saint Jean-Bosco de KagniKopé, elle ne s’est arrêtée qu’après celle des Assemblées de Dieu. « Ils ont tout simplement bouffé l’argent », s’est empressé de nous lancer un jeune conducteur de moto-taxi, dans son accoutrement similaire aux stars de chanson hip-hop, qui dit s’appeler Jean-Luc 50Cent. Un peu comme lui, la jeune dame revendeuse de riz au carrefour du Collège Folly Bébé dit ne pas non plus comprendre cet arrêt des travaux mais préfère elle, s’en remettre à la providence divine. « Notre temps de grâce n’est pas loin non plus », se console-t-elle devant son étalage, à côté d’une flaque d’eau.

 « Le projet a étudié tout le circuit. Nous avons toutes les données techniques pour le faire mais les gens ont construit dans l’emprise de la voie. La politique de sauvegarde de la Banque interdit tout démarrage sans dédommagement des populations par l’Etat », explique  Hervé Johnson, Chargé suivi et évaluation projet PURISE.

Le trottoir envahi par des revendeuses
Le trottoir envahi par des revendeuses

Les coûts de location des boutiques, surtout celles en rénovation, connaissent une augmentation. La location est passée à 15.000 voire 18.000 F CFA, selon les dimensions, contrairement aux 10.000 Francs CFA le mois. Sénam Attiogbé, gérant de boutique de produits alimentaires estime que c’est un peu trop cher pour leur business. « Les bonnes affaires ont repris, certes, ce n’est pas un motif pour rapidement réviser à la hausse les coûts», a-t-il vociféré et de pester qu’en période de vache maigre, les coûts de la location n’ont pas non plus baissé.

Si la construction du boulevard Malfakassa facilite le transport des biens et des personnes, elle a également favorisé l’installation de débits de boissons, de boutiques de vente de cassettes et CD ou de diffusion de films nigérians en langues locale. « Maintenant, c’est bonjour la nuisance sonore. Déjà à partir de 18h, on se croirait dans une discothèque et le pic est souvent atteint vers 1h du matin quand nos amis en Dieu veulent vraiment s’y mettre », s’est plaint, Raymond Etchou, jeune fonctionnaire dans une maison en location coincée finalement entre une église éveillée et un débit de boissons. Ces débits travaillent encore beaucoup plus tard dans la nuit, et, favorise une promiscuité sans précédent

De nouvelles boutiques en construction à Adakpamé
De nouvelles boutiques en construction à Adakpamé

Cette nuisance sonore, elle n’est pas que nocturne, même en pleine journée, tout semble faire croire que les boutiques rivalisent d’ardeur, sans modération du volume et de la portée.

Certes, il y a eu des caniveaux construits mais ce n’est à travers toutes les voies d’Adakpamé. Les dernières pluies sur Lomé ont permis de revivre l’autre visage amer du quartier avec des étendues d’eau sur des voies empêchant une libre circulation. Des grincements de dents pour ceux-là qui soutiennent mordicus avoir été lésés.

A certains niveaux, le trottoir n’existe plus. Il est soit envahi par des étalages, soit par des meubles en vente. Chacun pense tirer le maximum de profit de cette route.

Encore plus loin, des constructions anarchiques ont été faites dans le lit du fleuve Zio, les périodes de pluie s’annoncent, ils veulent aussi s’en remettre, disent-ils, à Dieu. Une chose est bien inévitable, ils seront délogés, comme toujours, par l’eau.

Somme toute, le visage d’Adakpamé a plus ou moins changé grâce aux travaux Purise, le quartier sort la tête de l’eau mais, il revient aux riverains de prendre soins des biens publics

Voltic Togo