Depuis quelques jours, une affaire défraie la chronique à Lomé. C’est l’histoire d’un jeune homme enterré qui se serait montré après à la population plus tard comme ressuscité. « Liberté », un quotidien paraissant au Togo y revient dans sa parution du 12 Mars 2014 même si le jeune sera finalement pris par la police et aura avoué ne pas être le regretté, donc faire du faux. Lecture…

Lomé le 02 mars 2014, une information vient de nous parvenir, un jeune homme de 25 ans en classe de Première vient de ressusciter. Aussi bizarre que la chose puisse paraître, notre rédaction a décidé de pousser sa curiosité et mener des investigations pour desceller le vrai du faux.
Vendredi 07 mars 2014. Gare routière d’Agbalépédogan. Il sonne 19 heures à ma montre, je monte dans un bus de quinze places, surchargé comme tous les autres bus en partance pour l’intérieur du pays. Vivement que nous arrivions vite à Tandjouaré. Je dois rencontrer le jeune homme ressuscité, lui parler et si possible lui serrer la main. Toute ma personne est concentrée sur ce miraculé et avant même que le bus ne démarre, des myriades de questions et idées trottent dans mon esprit. Le sujet principal de la discussion dans le bus est tout trouvé, l’ennui n’a pas sa place au milieu de toutes les théories sur cette résurrection. Tout le monde était sûr qu’il est vraiment revenu de l’au-delà. Certains affirment même l’avoir touché et que ce n’est pas un esprit.
Après des heures de route, le bus s’arrête dans la ville de Tandjouaré. Je dois descendre. Il n’est que 4 heures du matin. Il fait encore sombre. Heureusement, j’ai de la compagnie. Une dame de 25 ans venue à la rencontre d’un parent doit aussi attendre là. Me voilà seul, le parent de la dame est là. « A bientôt », me disent-ils. Une silhouette apparaît, s’approche. J’avoue ma peur, car l’histoire du ressuscité est toujours présente dans mes pensées. Ouf ! C’est un homme un peu âgé, sexagénaire peut-être. Il me demande ma destination, mon bagage et ma tenue reflétant que je n’étais pas du milieu. « Je suis venu voir le jeune », dis-je sans autre précision. « C’est un bonheur pour nous les habitants du village. D’autres pensent que c’est du canular mais c’est un fait avéré », déballe-t-il avant que je n’ai ajouté un seul mot. Il me conseille d’être courtois avec leur « Jésus » et que peut-être il se laissera filmer. Avec l’aide du vieillard, je trouve un hôtel. Le jour n’est pas encore levé et je dois me reposer du périple. Me voilà à l’hôtel La Soukila et je dois y attendre notre correspondant dans la Région des Savanes. Sur le coup de 6 heures, il sonne à ma porte.
Après les salutations d’usage, nous sommes sortis de l’hôtel munis de notre ordre de mission signé par notre Directeur de la Publication. Dès 8 heures, nous sonnons à la porte du capitaine Noutsougan de la gendarmerie locale. Objectif, avoir une autorisation pour prendre des images du « Jésus » de Tandjouaré. Mais cette autorisation, nous ne l’aurons pas, le capitaine n’ayant pas l’accord de la hiérarchie.
Du coup, je débarque avec le correspondant, dans la cour de Pyaloabe. C’est le prénom usuel du jeune homme. Avant mon arrivée, une centaine de personnes se trouvaient déjà sur place. Des curieux venus de partout parmi lesquels je reconnais des véhicules immatriculés au Ghana voisin. « L’histoire a franchi nos frontières », me dis-je. A cet instant, je me rends compte que ma venue dans cette localité lointaine en vaut la peine. Mes devanciers me disent qu’il était sorti de sa chambre aux environs de 6 heures. Je dois encore attendre et pour tuer le temps, j’entreprends des interviews en caméra cachée. Des camarades d’écoles aux habitants du village, nul n’affiche un doute quelconque. Il est vraiment mort, enterré et ressuscité. Déjà trois heures d’attente, mais la « star » n’a pas pointé le nez dehors.
Tout à coup, un court silence saisit la foule. Il est là devant nous, les mains dans les poches de son boubou blanc. Le blanc signe de sainteté et d’immaculée. Il passe en revue, d’un regard menaçant, la foule venue à sa rencontre. J’ai comme le souffle coupé et mes questions me reviennent. Notre attraction se retourne sans dire un seul mot et marche en direction de sa chambre. Un homme au fond de la foule l’interpelle. « Nous avons emmené des malades pour que tu les guérisses. Aide-nous s’il te plaît », lance-t-il. Le miraculé pivote sur lui-même et nous fait face, le regard plus sévère qu’il y a une minute. Prise de peur, la foule recule, certains ont même préféré fuir. Il avance d’un pas et annonce sa mission : guérir les malades et annoncer l’évangile. Son message, pour moi, se calque sur le discours de Jésus de Nazareth : « L’esprit de Dieu est sur moi. L’Eternel m’a oint pour proclamer la délivrance à ceux qui sont liés, la guérison aux malades… ». Il retourne dans sa chambre et laisse la foule attendre. L’attraction du moment, c’est bien lui.
Une femme m’interpelle pour me raconter un pan de l’histoire et révèle qu’au cours de l’enterrement, une des trois bagues que portait le défunt a été perdue. Après l’inhumation, la famille décide de consulter un devin. Pendant que ce dernier s’employait à recevoir la révélation des ancêtres, il se retourne et fait savoir à la famille que le mort n’était pas mort. Tous se retournent et voient venir leur fils. La ressemblance avec celui qu’ils ont enterré ne souffre d’aucune contestation. La tenue qu’il porte est la même que celle avec laquelle on l’a enterré et sa blessure au-dessous du mollet causé par le tuyau d’échappement de la moto qui l’a transporté au village étaient comme deux gouttes d’eau. Le défunt ressuscité demande d’après sa bague qu’il alla retrouver sur sa tombe à moins de 200 mètres de la cour. La suite est toute aussi floue que la mystérieuse histoire.
Je ne suis pas satisfait. Le nœud de l’histoire demeure encore. Le correspondant m’emmène à la rencontre d’une dame. C’est la mère de la copine de Pyaloabe. « C’est lui. Il vient souvent chez ma fille. J’ai même appelé ma fille pour venir voir son gars ressuscité », révèle-t-elle. Certains affirment que Pyaloabe, depuis sa résurrection, ne boit que du Tchakpalou et de la bière Pils. Mon doute demeure intact mais je dois repartir, rejoindre Lomé avec pour seuls acquis quelques images volées et un amer goût d’inachevé.
Les dernières informations qui nous paraissent lèvent le voile sur cette mystérieuse résurrection qui a emballé plein de personnes, curieuses ou non. Le désormais « faux Jésus de Tandjouaré » est entre les mains de la gendarmerie et a avoué s’être passé pour le défunt. Et la ressemblance, les traces de blessure, les bagues, d’où viennent-elles. La farce tire vers sa fin mais le mystère demeure.

Géraud Afangnowou avec Agbé Sonou
Liberté N°1654 du 12-03-14

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