« Ils sont morts pour que vive le Togo ». Cette phrase, combien de fois ne nous l’avons pas entendue ? Et pourtant, une fois les cercueils enveloppés du drapeau mis sous terre, une fois les caméras éteintes, qu’avons-nous fait ? Qu’avons-nous individuellement et collectivement apporté en termes de mémoire aux morts partis défendre l’image et l’honneur du pays à l’extérieur ? Qu’avons-nous apporté en termes de soutien aux vivants traumatisés par les drames de Lungi et de Cabinda ? Quinze ans après le drame de Lungi, chaque Togolaise et chaque Togolais vivant sur la terre de nos aïeux et dans la diaspora doit examiner sa conscience et se poser ces questions.
Une nation qui n’entretient pas la mémoire de ses événements marquants, qu’ils soient joyeux ou douloureux affaiblit sa conscience nationale et celle de tous ses citoyens. Pire, une nation qui n’entretient pas sa mémoire est condamnée à revivre les moments douloureux dont elle n’a pas su entretenir la pérennité. Le sport et spécialement le football est une des principales cartes de visite du Togo en Afrique et dans le monde. Nos stars internationales telles que Emmanuel Adebayor, Djene Dakonam etc…constituent une vitrine incontestable. Exemple en 2006 la coupe du monde a permis en plusieurs endroits de mettre le Togo sur la carte du monde.
Les participations aux coupes d’Afrique ont été aussi extrêmement bénéfiques pour le pays. Nous ne pouvons donc pas nous permettre de minimiser ou de négliger la portée des drames tels que ceux de Lungi et de Cabinda. Chaque Togolaise et chaque Togolais qui était en âge de comprendre ce qui se passait se souvient de l’endroit où il se trouvait au moment où on a annoncé le crash de l’hélicoptère en Sierra-Léone ou l’attaque armée contre le bus des Éperviers à Cabinda.
A la commémoration des 15 ans de l’accident survenu en Sierra Leone on peut se demander, où sont les traces de ces faits dans nos mémoires, dans notre espace public, dans nos institutions ? Des initiatives doivent être prises afin qu’un hommage intemporel soit rendu à ces ambassadeurs tombés alors qu’ils étaient en mission pour le pays. Un projet de stèle est une nécessité.
Nous saluons l’action volontariste de la Ministre des Sports Lidi Bessi Kama. Elle a su depuis deux ans, redonner une dimension à cette journée. La série d’émission de ces jours consacrée à l’histoire de cet accident puis les offices religieux sont des points positifs qu’il faudrait consolider. Pourquoi ne pas donner par exemple à des rues, des places, des avenues, des boulevards, etc. les noms de celles et ceux qui sont morts à ces occasions ? La mémoire de ces faits doit être transmise aux nouvelles générations dans les écoles à travers différents outils comme le livre « Lungi, le récit d’une tragédie ». C’est aussi une manière de perpétuer la mémoire et de renforcer la conscience nationale.
Enfin, au-delà de ces faits, c’est la question de la valorisation du patrimoine sportif togolais qui doit être posée. Les hauts faits sportifs du Togo tombent petit à petit dans l’oubli. Combien de jeunes Togolais connaissent aujourd’hui l’histoire de Tommy Sylvestre, de Docteur Kaolo ou encore de l’apport d’un journaliste sportif comme Stan O’Cloo aux grandes heures de la radio Sport FM ?
Comment entretenons-nous la mémoire de la première médaille olympique togolaise gagnée par Benjamin Boukpeti ? Nous ne pouvons susciter des rêves, faire émerger la détermination pour des carrières sportives si nous négligeons ce travail de mémoire. Quant à nous, nous prendrons notre part à travers des initiatives, des projets qui, dans le futur vont permettre de répondre à ces nécessités citées plus haut. C’est à ce prix que nous pourrons renforcer la conscience nationale et l’amour du pays. Dans les traditions africaines, nous res
pectons les morts. C’est aussi à ce prix que celles et ceux qui sont morts pour que vive l’image du Togo seront respectés.
Kalvin SOIRESSE NJALL, ancien journaliste sportif (SPORT FM, BBC AFRIQUE), Député belge d’origine togolaise
Pierrot Kossi ATTIOGBE, Journaliste, Auteur de l’ouvrage LUNGI : Récit d’une tragédie