Le gouverneur de Kidal a effectué jeudi 11 juillet un retour avorté de quelques heures dans la ville à cause des tensions provoquées par la présence de l’armée malienne. Ce retour était censé marquer le retour de l’administration malienne dans le fief des Touaregs.
C’est un échec pour le gouvernement central de Bamako. Jeudi, à peine arrivé à Kidal, le gouverneur de la ville, le colonel Adama Kamissoko, a fait demi-tour à cause des tensions provoquées par la présence des militaires maliens.
« Le gouverneur de Kidal, qui est arrivé aujourd’hui, est reparti en fin d’après-midi par l’avion qui l’a amené » de Bamako, a affirmé une source militaire malienne, parlant, sans les détailler, de « raisons stratégiques » pour justifier ce départ. Le retour à Bamako du gouverneur a été confirmé par une source africaine de la force de l’ONU au Mali (Minusma), qui a dit qu’à son arrivée il y avait « vraiment de la tension ». Interrogé peu après son atterrissage dans la capitale, le gouverneur, accompagné de plusieurs autres responsables régionaux, avait déclaré que « les locaux du gouvernorat » étaient « occupés par des groupes armés » qu’il n’avait pas nommés.
Ce retour du gouverneur pour préparer le premier tour de la présidentielle du 28 juillet devait marquer celui de l’administration centrale malienne à Kidal, absente de cette ville du nord-est du Mali depuis le début de l’année 2012. L’armée malienne avait alors été mise en déroute par une offensive des rebelles touaregs du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), alliés à des groupes islamistes armés de la mouvance Al-Qaïda, qui avaient ensuite occupé tout le nord du Mali pendant près d’une année. Les groupes jihadistes ont depuis été en grande partie chassés de la zone par une intervention militaire internationale initiée par la France en janvier.
Manifestations violentes
À Kidal, les tensions restent donc vives entre partisans et opposants au retour de l’armée dans la ville, il y a une semaine. Celui-ci s’est fait parallèlement au cantonnement des combattants du MNLA, conformément à un accord de paix signé en juin à Ouagadougou.
Plusieurs manifestations – parfois violentes – des deux camps ont eu lieu ces derniers jours. Deux soldats de la Minusma et un Français ont été blessés par des jets de pierres et des dizaines d’habitants, affirmant craindre des violences de la part des Touaregs, se sont réfugiés dans un camp militaire. Deux civils, grièvement blessés par balles mercredi par des hommes armés, ont par ailleurs dû être évacués vers Gao, la grande ville du nord du Mali située à 300 km au sud de Kidal.
Déjà mauvaises avant le début du conflit, les relations entre communautés noires et les « peaux rouges », membres des communautés arabe et touarègue, se sont depuis considérablement dégradées. Ces derniers sont assimilés aux groupes jihadistes, considérés comme les responsables des malheurs du pays.
Interrogations sur le vote à Kidal
Le premier tour de l’élection présidentielle, censée amorcer la réconciliation et rétablir l’ordre constitutionnel interrompu par un coup d’État en mars 2012, doit en principe se tenir à Kidal comme dans tout le reste du Mali le 28 juillet prochain. Mais les tensions actuelles et l’impréparation du scrutin dans la ville font craindre qu’il ne puisse avoir lieu comme prévu. Selon un haut responsable malien, « si la situation continue à se dégrader à Kidal, on peut se demander si on peut envisager sur le terrain une campagne électorale, et même des élections ».
Entre l’armée malienne et le MNLA, la pression n’est toujours pas retombée. L’armée malienne accuse le mouvement touareg de violer l’accord de paix de Ouagadougou tandis que le MNLA exige la libération de détenus conformément à cet accord et le départ de Kidal de « milices » anti-touaregs qui, accuse-t-il, sont entrées dans la ville avec les soldats maliens.
L’émissaire de l’ONU au Sahel, Romano Prodi, s’est dit mercredi inquiet pour le déroulement de la campagne présidentielle, soulignant en particulier le problème du vote des réfugiés et des déplacés – environ 500 000 personnes – et la nécessité de meilleures conditions de sécurité.
Une délégation de la Commission dialogue et réconciliation (CDR), mise en place en mars mais qui n’a pour l’instant pas beaucoup avancé dans ses travaux, est par ailleurs arrivée jeudi à Gao. Elle est conduite par son président, Mamadou Salia Sokona, et doit ensuite aller à Tombouctou (nord) et Mopti (centre). Il n’est toutefois pas prévu qu’ils aillent à Kidal, signe supplémentaire que, dans cette ville, la réconciliation n’est pas encore à l’ordre du jour.
Source: Jeune Afrique