Emmanuel Macron et Denis Sassou-Nguesso / Image: DR

C’est une visite éclair de 48 heures dans quatre pays d’Afrique centrale et, pour Emmanuel Macron, l’espoir d’acter enfin une nouvelle ère des relations franco-africaines. Parmi les chefs d’État ayant accueilli le Président de la République française, Denis Sassou-Nguesso à Brazzaville. Une visite qui a permis de démontrer la proximité entre les deux Présidents et, surtout, d’annoncer un retour d’Emmanuel Macron au Congo pour un futur « sommet des Trois bassins forestiers tropicaux », dédié à la préservation de l’environnement.

Paris veut capitaliser sur le poids diplomatique de Denis Sassou-Nguesso

14 ans après Nicolas Sarkozy, la visite officielle d’un Président français à Brazzaville fait figure d’évènement. Et au vu des relations historiques entre les deux pays et malgré la perte croissante d’influence de Paris dans le pays, cette rencontre au sommet fait sens : la France reste en effet l’un des premiers partenaires commerciaux du Congo et une puissance encore incontournable dans la zone, malgré l’implantation grandissante d’acteurs économiques américains, turcs, russes ou encore chinois. Délicat aussi pour l’Élysée, dans le cadre d’une tournée dans la région, d’ignorer Denis Sassou-Nguesso, acteur majeur d’Afrique centrale. D’autant que le contexte est actuellement tendu dans la sous-région, alors que la République démocratique du Congo (RDC) voisine subit les violences du M23, soutenu par le Rwanda. Une crise politico-militaire aux conséquences humanitaires désastreuses sur laquelle Denis Sassou-Nguesso est hyperactif pour tenter de conduire au dialogue les différentes parties. Ce poids diplomatique ne laisse pas Paris indifférent, soucieux de préserver Kigali, tout en jouant un rôle de conciliation entre Paul Kagamé et Félix Tshisekedi.

Sur la crise libyenne aussi, Denis Sassou-Nguesso multiplie depuis 10 ans les initiatives personnelles pour apporter sa pierre à l’édifice de la reconstruction de la paix civile. Libye et Nord-Kivu : deux crises que la France veut contribuer à régler mais qui se sait les mains liées sans l’appui d’un ou plusieurs relais diplomatiques de premier plan sur le continent. D’autant que Denis Sassou-Nguesso a l’ambition de ne pas limiter son influence au seul continent africain. La fondation Brazzaville, dont il est proche, est ainsi à l’origine d’un ambitieux plan de paix pour l’Ukraine soutenu par l’Union africaine. En résumé, Paris a conscience que le Congo est un acteur diplomatique déterminant et qu’Emmanuel Macron pourra difficilement se passer de l’appui du « Vieux sage », s’il espère encore jouer un rôle dans la région.

Une vidéo montre une réelle proximité entre les deux Présidents, loin de la fraîcheur et de la tension relatées dans les médias

Cette visite, critiquée depuis pour sa durée jugée trop courte – 6 heures -, ne reste qu’un préalable à une prochaine rencontre prévue dans les prochains mois, centrée sur la défense du patrimoine forestier mondial. Accueilli directement sur le tarmac de l’aéroport de Brazzaville par Denis Sassou-Nguesso et l’ensemble du gouvernement congolais, Emmanuel Macron s’est ensuite rendu au palais présidentiel, où les deux chefs d’État ont mené une déclaration conjointe devant un parterre de journalistes. Les deux présidents se sont prêtés au jeu dans une ambiance pour le moins légère. « Tu peux y aller », a même dit, amusé, Denis Sassou-Nguesso à Emmanuel Macron, qui s’étonnait d’être appelé à prendre la parole avant son homologue congolais. Aucun signe de tension ne transparaît. Les échanges ont même été « riches » de l’aveu du Président congolais.

C’est en tout cas le sentiment qui prédomine après le visionnage des premières images disponibles sur cet évènement. Une vidéo a été publiée sur les comptes Twitter et Facebook officiels de la Présidence de la République du Congo, contrastant avec les récits présents dans la presse, faisant état de nombreux couacs et d’une certaine tension entre les deux Chefs d’État. Cette vidéo montre des gestes de proximité et d’amitié, des remerciements répétés, un tutoiement mutuel et même la préparation par Denis Sassou-Nguesso d’un programme de visite sur-mesure pour une prochaine rencontre. Au programme de cette future visite diplomatique, le « mémorial Savorgnan de Brazza et l’école de peinture de Poto-Poto », a ainsi proposé Denis Sassou-Nguesso. En bref, les deux Chefs d’État ont voulu exposer des relations au beau fixe et faire passer le message que la fin annoncée de la Françafrique n’est pas le synonyme d’une rupture des relations bilatérales et, plus encore, de l’arrêt de la proximité entre les chefs d’État.

La visite était empreinte d’une puissante charge mémorielle. La France sait tout ce qu’elle doit au Congo, Brazzaville ayant été la capitale de la France Libre pendant la Seconde Guerre mondiale et l’un des hauts-lieux de la Résistance française. Un destin partagé, au prix du sacrifice de milliers de Congolais, qu’Emmanuel Macron souhaite mettre en valeur. D’autres projets ont aussi été publiquement annoncés, notamment dans le domaine des relations commerciales et culturelles, autres fers de lance de la « nouvelle » politique française en Afrique. Surtout, cette visite a été l’occasion d’annoncer l’organisation d’un futur sommet dédié à la préservation des grands bassins forestiers (le Sommet des trois grands bassins forestiers de la planète), qui rassemblera notamment, en juin ou en septembre, le Président Lula pour le Brésil, le président indonésien Joko Widodo et Denis Sassou-Nguesso. Un évènement d’ampleur et capital dans la lutte contre le réchauffement climatique qui devrait voir Emmanuel Macron revenir très vite à Brazzaville.

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