C’est officiel, Komi Sélom Klassou est le nouveau patron de la Primature. L’ancien ministre et désormais ancien vice-président du Parlement togolais aura la lourde mission de conduire la neuvième équipe gouvernementale sous Faure Essozimna Gnassingbé (FEG). Seulement le choix de l’homme suscite diverses interrogations.

En effet, de tradition, au-delà du caractère hautement politique du poste de premier ministre (PM) au Togo, ce poste garde néanmoins et ce depuis des âges, son côté stratégique donnant plus l’esprit d’une certaine ouverture du pouvoir de Lomé vis-à-vis de ses partenaires de l’opposition. Mais avec le choix de Sélom Klassou, un pur produit du régime togolais, le Président Faure a heurté la tradition d’un poste qui a toujours gardé le double kit politique et stratégique. L’on en voudrait pour preuve le profil des chefs de gouvernement qui se sont succédés depuis 2005.

Édouard Edem Kodjo
Aux lendemains du « scrutin rouge » de 2005, le fils du général Eyadéma souffrait cruellement de légitimité du fait que la pratique de la répression, février-avril 2005, avait couvert le territoire togolais d’une mosaïque de sinistres. Le Parlement européen avait même formulé une demande d’« annulation du scrutin et la tenue de nouvelles élections ». Le Togo est au ban de la communauté internationale. Ainsi la nomination d’Edem Kodjo à la Primature, ce qui répondait au double cliché politique et stratégique du poste de Premier Ministre, a « sauvé » le Président Faure.

En effet, l’ancien Secrétaire général de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), l’ancêtre de l’Union africaine (UA) était une belle pioche du pouvoir de Lomé en ce que l’homme gardait encore à l’époque quelques traces d’opposant, même s’il faisait le jeu du pouvoir depuis l’ère d’Eyadéma. Et s’agissant du volet stratégique, il pourra alors convaincre ses partenaires de l’opposition à la table de négociation en même temps que surfer sur ses relations internationales pour redorer le blason, soigner l’image écornée de la République Togolaise à l’extérieur. Il en est presque parvenu avec le paraphe du traité politique républicain qu’est l’Accord Politique Global (APG) de 2006.

Me Yawovi Madji Agboyibo
Président du Comité d’action pour le renouveau, (CAR), et président du bureau du dialogue politique concluant à l’APG, Me Agboyibo, chef du gouvernement qui a conduit les législatives sans heurts de 2007. Ces élections, considérées comme acquis démocratique par le pouvoir, a permis à FEG de « gagner sa légitimé » sur le plan national et international et de mériter la confiance des partenaires techniques et financiers du Togo qui ont renoué la coopération avec le pays. Donc la nomination de Me Agboyibo bien que respectant les conclusions de l’APG, un opposant à la Primature répondait aussi au double kit politique et stratégique du poste de Premier Ministre. Le pouvoir togolais envoyant toujours cette image d’une ouverture politique, notamment envers l’opposition togolaise.

Gilbert Fossoun Houngbo
M. Houngbo, fin technocrate, ancien Directeur du Programme des Nations Unies, le nouveau venu sur la scène politique togolaise y était pour effacer les lourds passifs du Togo et relancer définitivement le pays comme il l’avait annoncé en septembre 2008 lors de sa prise de fonction : « En six mois, je changerai le quotidien des Togolais ». Aussi sa posture d’une personnalité neutre à la Primature aurait aussi convaincu l’Union des Forces de changement (UFC) d’entrer au gouvernement en 2010. Le cliché stratégie et politique est encore respecté. Sous Houngbo, le Togo a atteint l’initiative des Pays Pauvre Très Endetté, (PPTE). Mais, n’étant pas bien huilé dans les « togolaiseries » politiques, il quitta ses fonctions peu après la falsification du rapport de la CNDH dans l’affaire Kpatcha Gnassingbé. Notons que le passage très court de Komlan Mally à la Primature avant Houngbo avait plus donné l’image de Jean Baptiste qui a préparé la venue du Messie ; Gilbert Houngbo.

Kwesi Séléagodji Ahoomey-Zunu
Transfuge de la Convergence Patriotique Panafricaine (CPP) de Edem Kodjo, M. Ahoomey-Zunu a été quasiment dans le rôle joué par son ancien mentor, M. Kodjo. Malgré son caractère belliqueux lorsqu’il était ministre du commerce, ce qui attisait le mépris de l’opposition envers sa personne, l’homme, une fois à la Primature, a su transcender son ego pour assurer une « stabilité politique » au Togo avec les chapelets de dialogue. Seulement le volet social a été sa grande plaie, surtout son bras de fer avec la Synergie des travailleurs du Togo (STT).

Ainsi, lorsqu’on revisite le profil de tous les Premier Ministre susmentionnés, il y a lieu de s’interroger sur la vision de Faure Gnassingbé qui porte Sélom Klassou à la Primature alors que ce dernier n’est qu’un produit purement RPT-UNIR et n’a servi que le pouvoir. Faure veut-il maintenant fermer le robinet concernant l’esprit d’ouverture qui a toujours caractérisé les nominations du chef du gouvernement au Togo ? Sélom Klassou serait-il dans le même rôle de Komlan Mally pour préparer la venue d’un nouveau « Messie » ?

Les jours à venir nous édifieront.

Voltic Togo