Image DR, utilisée juste à titre d'illustration

Mars  2020. La décision a été prise de mettre le Togo notre pays en état d’urgence dite sanitaire. Et du coup,  alors que le contentieux consécutif à l’élection présidentielle de février 2020 n’était pas encore vidé,  les forces vives de la nation furent muselées, sous le couvert de la pandémie du COVID-19. En effet, l’état d’urgence sanitaire devint la solution miracle pour noyer toutes formes d’expression civile et politique : couvre-feu émaillé de violences policières, plus de rassemblements, plus de manifestations, plus d’action citoyenne…

Mars 2022. Le contentieux post-électoral n’est toujours pas vidé. Dans le même temps, le Conseil scientifique mis en place dans le cadre de la pandémie ne nous démentira pas, nous l’espérons,  le recul de la pandémie est réel dans notre pays. En attendant la levée de l’état d’urgence sanitaire, les stratèges du système ne semblent pas manquer d’idées pour poursuivre le bâillonnement des forces vives. C’est ainsi que le soulèvement des syndicats de l’éducation avec la grève déclenchée par la FESEN a donné l’occasion de sanctionner  plus de 1200 enseignants et directeurs d’écoles. Différentes institutions nationales et internationales ayant  dénoncé les sanctions considérées comme contraires à la convention 87 de l’OIT  dont le Togo est signataire, cela a fait reculer les autorités de l’éducation, même si, 174 directeurs d’écoles et collèges ne sont pas toujours réhabilités.  L’occasion fut, de plus, saisie  par le pouvoir pour modifier le code du travail, dans le sens d’une entrave à tout soulèvement des travailleurs des différents secteurs.

Aujourd’hui, l’actualité  c’est  l’arrêté du Ministre des enseignements primaire et secondaire du 1er Mars, portant code de conduite des enseignants, code  qui augmente l’arsenal gouvernemental d’une nouvelle pièce. Il s’agit certes de réglementer la profession enseignante, mais le fond vise, à n’en pas douter, le silence des acteurs de toute  la corporation enseignante.

Ce code vient renforcer un mémorandum que le Ministre de la fonction publique et son homologue des Enseignements primaire et secondaire ont fait signer aux Secrétaires généraux des huit fédérations syndicales de l’éducation. Ce document qui selon les sources officielles « met fin “ aux longues annéesde bras de fer entre les autorités du pays et le corps enseignant qui réclamait de meilleures conditions de vie et de travail. » est un « mémorandum d’entente »   qui impose aux enseignants du primaire et du secondaire de tous ordres, une trêve de cinq ans, contre la promesse par le gouvernement  de cinq (5) milliards de Francs CFA à l’horizon 2025. Le nouveau texte remplace ainsi l’accord préalablement établi qui a accordé une subvention de deux milliards  pour payer une prime spéciale au secteur de l’éducation afin d’atténuer l’impact de la pandémie au COVID 19.

Que doivent penser les travailleurs de cette trêve sociale? Quelles questions sont-ils en droit de se poser ? La première c’est de se demander si cette trêve ne transforme pas  le Comité National du Dialogue social (CNDS) en chambre d’enregistrement, dans la mesure où certains des secrétaires généraux de fédérations de l’éducation, signataires de ce mémorandum, relèvent des Secrétaires Généraux de Confédération siégeant au CNDS. Malheureusement il n’y a pas eu débat, ni consultation de la base.

Nous en appelons donc à vous Secrétaires généraux des Confédérations, Fédérations  et syndicats autonomes pour que vous jouiez votre rôle de leviers pour un mieux-être des travailleurs et des citoyens. Cela est indispensable car, concernant ce mémorandum, nous avons ressenti quelques inquiétudes que nous voulons partager avec vous. Ainsi, à propos des   5 milliards FCFA :

  • Aurions-nous changé de gouvernement ? N’y a-t-il pas déjà eu dans notre pays de semblables promesses qui n’ont pas été tenues ?
  • En admettant même que les promesses soient tenues, pourquoi au lieu d’une action sur les salaires, avez-vous accepté des gratifications exceptionnelles qui n’ont pas d’impact sur les pensions de retraites ?
  • Avez-vous pensé à l’évolution du coût de la vie à l’horizon 2025, surtout avec les impacts négatifs de la pandémie et la guerre en Ukraine ?

Selon le Ministre de la Fonction Publique et du dialogue social,  le mémorandum témoigne de la capacité des acteurs du secteur de l’éducation à prioriser l’intérêt des apprenants au détriment des leurs.  « Tous, nous avons démontré une fois de plus, que lorsque l’intérêt général et une cause commune l’exigent, nous pouvons faire preuve de dépassement et d’abnégation, et avoir une attitude et un esprit de responsabilité », a-t-il déclaré.

Vous qui avez signé ce mémorandum, quelle est en ce moment la cause commune qui lie le gouvernement aux travailleurs du secteur de l’éducation ?

Un élève en train de respecter le lavage de mains à l’école contre la Covid-19

Nous aurions aimé que vous demandiez depuis quand les intérêts des apprenants, qui sont des enfants et des jeunes,  sont contraires à ceux des enseignants, qui sont des parents d’élèves ? Faudrait-il que les parents subissent une double peine en renonçant à revendiquer l’amélioration de leurs conditions de vie, pour que leurs enfants puissent être correctement scolarisés ?

Et avez-vous pensé à l’enseignement privé laïc qui ne bénéficie d’aucune attention quand bien même, les autorités du secteur reconnaissent la place importante et la qualité de la formation de cet ordre d’enseignement, surtout dans le Grand Lomé ?

Et, vous êtes-vous demandé, si le gouvernement était si fier de cette signature, pourquoi cela s’est-il fait en quelque sorte en catimini ?

La fin de l’état d’urgence sanitaire signifierait-elle pour le gouvernement la fin des  libertés syndicales ? Vous, Secrétaires généraux des Confédérations, Fédérations  et syndicats autonomes souscririez-vous à cette équation ?

Par N’buéké Adovi GOEH-AKUE   &  Maryse QUASHIE (enseignants- chercheurs à la retraite)

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